À lire, à voir, autour de Yom Hashoah

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Transport

Yves Flank

Éditions de l’Antilope, 2020, 15 euros

C’est avec beaucoup d’émotion que nous vous recommandons ce premier roman d’Yves Flank. Court, percutant, tendre, ce long poème vous saisit par la main pour vous accompagner, à son rythme, à travers l’horreur d’un transport, à travers la douceur de l’amour et de l’humain. La plume est aussi légère que le train est lourd, enlevée, sans fioriture, violente, enivrante, sans jamais se regarder. Nous n’en dirions que trop si nous en disions plus, mais la puissance, la beauté et la justesse de ce texte méritent toute votre attention. De la littérature, dans son sens le plus noble, le plus dur, le plus ambigu, le plus déconcertant.

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Beate et Serge Klarsfeld,
un combat contre l’oubli

Pascal Bresson et Sylvain Dorange

La Boite à Bulles, 2020, 25 euros

Retrouvez l’histoire du couple Klarsfled, le couple chasseur de nazis à travers sa rencontre, ses luttes, ses victoires. Avec cette bande dessinée au trait précis et au récit ciselé, on revit non sans frisson les gestes forts, la gifle de Beate au chancelier allemand Kiesinger, les manifestations en Allemagne ou en Amérique latine, la traque et le procès de Barbie mais aussi les attentats contre la famille Klarsfeld. Parce qu’il est toujours bon de se rappeler que si, aujourd’hui, Serge et Beate sont reconnus politiquement et reçus avec les égards qu’ils méritent, leurs combats ont d’abord agacé voire déplu, à tous ceux qui auraient préféré que cette histoire disparaisse et la mémoire des six millions avec.

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Les Derniers

Sophie Nahum

« Ils ont survécu aux camps de la mort. Ils ne sont plus très nombreux à pouvoir nous parler ».
Ainsi débutent ces vidéos de Sophie Nahum qui constituent le précieux corpus de la série documentaire « Les Derniers ». La réalisatrice va à la rencontre de ces survivants, chez eux, dans des échanges à la fois intimes et durs. Ils racontent leur vie là-bas et, souvent, leur vie après, avant, tout autour. « Vous allez devenir le témoin du témoin que je suis », lui dit ainsi Elie Buzyn sur le pallier avant qu’elle ne le quitte.

Toutes les vidéos, le livre tiré de ce projet et d’autres produits liés sont à retrouver en ligne sur le site Les Derniers.

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Notices et esquisses relatives
au ghetto de Varsovie

Emanuel Ringelblum

Présentées, annotées et traduites du yiddish par Nathan Weinstock
Honoré Campion, 2020, 36 euros

Que vous connaissiez ou non l’histoire fascinante et dramatiquement essentielle de l’historien Emanuel Ringenblum qui, juste après l’invasion nazie, fonda les archives clandestines du ghetto de Varsovie, il vous faut vous plonger dans cette édition annotée par Nathan Weinstock. Ici sont réunis des textes écrits dans la clandestinité depuis son refuge en zone « aryenne » dans lesquels se lisent les portraits de personnalités du ghetto, la terrible chronique de l’extermination de l’intelligentsia juive et la destruction de la plus grande communauté juive d’Europe. Jusqu’ici uniquement disponible en yiddish ou en polonais, ce témoignage, enrichi de notes qui éclairent sa compréhension, constitue un document essentiel.

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Venir après
Nos parents ont été déportés

Danièle Laufer

Éditions du Faubourg, 2021, 21 euros

Danièle Laufer, dont la mère fut rescapée des camps nazis, a rencontré une vingtaine d’autres enfants de cette première génération née après la Shoah, pour tisser, dans ce récit, leurs histoires et leurs émotions aux siennes. 
Son premier mérite est de rassembler en un seul livre des expériences de vie disparates, malgré cette identité commune, fondamentale,  qui les a « à la fois détruits et construits » : celle d’être enfant de déportés, survivants de la Shoah. 
Disparates, car ces déportés devenus parents n’ont pas transmis de la même manière ce qu’ils ont vécu, leur traumatisme lié à la déportation et son cortège d’horreurs, à la culpabilité d’avoir survécu, et souvent à ce sentiment « de n’être jamais revenus des camps ». Qu’ils aient parlé ou se soient tus, qu’ils aient été des militants de la mémoire ou préféré l’oubli, leurs enfants ont dû faire avec. 
Ces enfants racontent donc, chacun avec leurs souvenirs qui se ressemblent parfois, ce que c’est de grandir dans une famille réduite à elle-même, très souvent sans grand-parents, avec des parents qui parlent avec un accent, quand ce n’est pas tout seuls et tout haut, et qui n’ont pas toujours su les aimer comme ils en avaient besoin.
Ce récit polyphonique, construit en chapitres thématiques, aborde de multiples questions, comme le rapport à l’identité juive, à la religion, aux traditions, à la famille, à la mémoire… Et les propos des témoins tissent entre eux des correspondances et une solidarité de fait via des expériences communes. Alors qu’ils entrent dans l’âge mûr, ils disent qu’il a fallu le temps d’une vie pour arriver à accepter et aimer des parents cabossés, après les avoir craints, jugés, fuis. 
Malgré la souffrance exprimée au fil des pages, surgit aussi la joie d’être là, vivants, et d’avoir eu des enfants, comme une victoire sur le projet funeste des nazis d’exterminer tous les Juifs. 

Présentation reproduite avec l’amicale autorisation de la FMS

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Déportés. Leur ultime transmission

Karine Sicard Bouvatier

La Martinière, 15 avril 2021, 25 euros

Favoriser le passage de relais de la mémoire entre des rescapés de la Shoah et des jeunes d’aujourd’hui, telle est l’ambition de ce livre. L’auteur, photographe de métier, a organisé et immortalisé ces 25 rencontres entre des survivants et des adolescents ayant leur âge au moment de leur arrestation. 
C’est Léon Placek racontant à Gaston, 12 ans, comment il a survécu à la déportation : « Auschwitz est aujourd’hui un symbole. C’est aussi le plus grand cimetière du monde où il n’y a pas un mort. Ils sont tous partis en fumée. » 
C’est Bertrand Herz, rappelant à Octave, 14 ans, la nécessité de « garder foi en l’humanité », malgré ce qu’il a vécu. 
Ou encore Judith Elkán-Hervé, déportée à 18 ans, qui confie à Théa ce message : « Je voudrais dire à la jeunesse qu’il faut aimer la vie. Faire ce que l’on aime faire. Il ne faut pas être insouciant, mais être confiant et rester toujours digne. »
Dans ces entretiens d’une grande émotion, ces hommes et femmes racontent avec des mots simples leur adolescence et leur vie bouleversée par les camps de la mort. Cet ouvrage, enrichi des photographies de ces rencontres pleines d’une mutuelle bienveillance, est le témoin de ce passage de mémoire historique, de cette ultime transmission.

Présentation reproduite avec l’amicale autorisation de la FMS

Retrouvez toutes les lectures d’extraits de la collection « Témoignages de la Shoah » ainsi que les autres articles de ce hors-série.