Ariel

© ASD

Ariel, lion de Dieu, grand bébé, beau félin,
Prends Kfir avec toi, prends-le par la main.
Il est un lionceau lui encore, si petit,
Et tu es si grand, toi, tout à côté de lui.
Prends Kfir par la main, va vers toi,
Prends Kfir par la main et marche jusque là-bas.
Quand tu serreras sa paume ronde dans la tienne,
Tu sentiras un poids si lourd que toi seul peux porter:
C’est le poids, noble félin, des âmes anciennes,
C’est le boulet des Juifs du temps que tu traînes.
Prends la main de Kfir et toutes les nôtres avec.
Emmène auprès de Lui les victimes d’Amalek,
Emmène tous ceux qui savent qu’on les a pourchassés
Et tous ceux qui n’ont pas eu le temps de se savoir assassinés.
Prends les cohortes juives par l’Histoire malmenées,
Prends les enfants, les femmes, les hommes et les aînés,
Prends cette masse si vaste qu’elle n’est plus qu’un amas
Et va montrer à Dieu l’absence de son doigt.
Qu’ils ont pris et ta mère et ton père et ton frère,
Et qu’Il a détourné son regard de la Terre.
Marche, Ariel, marche, tête haute, rassuré,
Avec derrière toi le cortège des Juifs damnés.
Demande-nous des comptes, brusque-nous, 
Ouvre nos yeux, de force s’il le faut,
Va faire entendre raison à Celui qui sait tout
Dis-Lui bien que les hommes ont trahi le Très-haut,
Qu’ils arrachent des vies et tuent leurs propres enfants,
Que non contents de mourir pour des idées,
Aussi leur faut-il extraire le sang
Des seuls encore sur Terre qui pourraient les sauver. 
Ariel, grand lion, ne nous pardonne pas,
Ni à nous ni à Dieu ni à rien de vivant,
Ariel, montre-nous que bébé-Kfir et toi
Êtes bien plus conscients et plus intelligents
Que les sachants du monde, que les sages des temps,
Qu’il ne peut y avoir quelque dessein divin
Ni une once de noblesse, ni aucun sens, ni rien
Quand pour les guerre des hommes, le combat d’un instant,
On vient prendre ta mère et ton père et ton frère,
Qu’une âme humaine choisit ces deux petits enfants,
Qu’elle les voit de ses yeux mais les condamne pourtant
À être assassinés, à mourir sous la terre. 
Nous nous voulons sensés, valeureux, et même fiers
Puis nous assassinons les enfants de nos mères.
Va voir Dieu, Ariel, et dis-Lui ce qu’ils font,
Raconte-Lui comment ils se prétendent de Lui
Et tuent les enfants juifs, même Kfir, mon lion,
Comment ils tuent tout le monde, comment ils tuent la vie.
Dis-Lui que Son absence signe notre souffrance,
Que des âmes vivent sous terre quand d’autres sont déchiquetées,
Qu’à la douleur des uns résonnent déjà les cris de vengeance,
Que nous en mourrons tous pour Son nom usurpé.
Montre-Lui, Ariel, comment dans ce malheur, 
Tu es le seul peut-être, et sûrement plus que Lui,
Le seul à avoir su que tu avais un coeur,
Le seul qui prend la main du lionceau chéri.
Sois béni, Ariel, et béni soit ton frère.
Aujourd’hui dans mon cœur cristallise une pierre.
Que tous les séraphins et les dieux se prosternent,
Ils ont tué notre âme en tuant Ariel.

*

Ariel

Ariel, Lion of God, great child, noble beast,
Take Kfir with you, take him by the hand.
He is still a cub, so small,
And you are so large, standing beside him.
Take Kfir by the hand, go forth to yourself,
Take Kfir by the hand and walk, far beyond.

When you press his little palm in yours,
You will feel a weight so heavy only you can bear it:
It is the burden, noble beast, of ancient souls,
The chain of Jewish sorrow you must now drag.

Take Kfir’s hand, and take all of ours.
Carry with you the victims of Amalek,
Carry those who knew they were hunted,
And those who died before they could even know.

Take the Jewish legions, wounded by time,
Take the children, the women, the men, the elders,
Take this mass, so immense it collapses into itself,
And show God the absence of His hand.

Tell Him they took your mother, your father, your brother,
Tell Him He turned His gaze away from the Earth.
Walk, Ariel, walk, head held high, unafraid,
With the procession of damned Jews following behind you.

Demand answers from us, shake us,
Force open our eyes if you must,
Go make Him listen—the One who knows all.
Tell Him men have betrayed the Most High,
That they steal lives, they kill their own children,
That dying for ideals is never enough—
They must still spill the blood
Of the only ones who could have saved them.

Ariel, great lion, do not forgive us,
Not us, not God, nothing living.
Ariel, show us you and baby Kfir
Are wiser, more knowing, more aware
Than the scholars of this world, the sages of time.
For there can be no divine plan,
No trace of nobility, no meaning, nothing
When for men’s wars, for a battle, an instant,
They come and take your mother, your father, your brother,
When a human soul chooses these two children,
Looks into their eyes, and still condemns them
To be murdered, be killed beneath the earth.
We call ourselves righteous, courageous, even proud,
Yet we slaughter the children of our mothers.
Go to God, Ariel, and tell Him what they do.
Tell Him how they invoke His name
And yet kill Jewish children—even Kfir, my lion—
How they kill everyone, how they murder life.
Tell Him His absence marks our suffering,
That some souls live buried while others are torn apart,
That for one man’s agony, another’s vengeance is already rising,
That we are all dying, for His stolen name.
Show Him, Ariel, that in this disaster,
You alone, perhaps more than He,
You alone have known the true weight of having a heart.
You alone take the hand of the cherished lion cub.
Be blessed, Ariel, and blessed be your brother.
Today, in my heart, a stone hardens.
Let all the seraphim, all the gods bow down—
They have killed our soul by killing Ariel.


English translation reviewed by Rebecca Kleinhandler-Dahan