CHIL OSTROWIECKI, 31 ANS
Né à Logielnica le 8 juin 1911.
Arrêté au cours de la rafle du « billet vert ».
Déporté de Compiègne à Auschwitz le 27 mars 1942 par le convoi n° 1.
Assassiné.
CONVOI N° 1
PARTI DE COMPIÈGNE LE 27 MARS 1942, ARRIVÉ À AUSCHWITZ LE 30 MARS 1942
1 112 DÉPORTÉS DONT 1 ENFANT
35 RESCAPÉS
La liste originale du convoi no 1 a disparu. La décision de déporter 1 000 Juifs avait été prise par les Allemands dès le 14 décembre 1941 mais fut repoussée faute de trains. Ce convoi était constitué par moitié d’internés du camp de Drancy, partis le même jour de la gare du Bourget-Drancy, rejoints à la gare de Compiègne par des internés du camp allemand de Compiègne. Le train était composé de wagons de voyageurs ce qui ne se renouvellera que pour le convoi 78 parti de Lyon le 11 août 1944.
Cinq mois après leur arrivée à Auschwitz, plus de 90 % des arrivants étaient morts. En 1945, il y avait 35 rescapés, dont deux évadés du convoi.
Sources : S. Klarsfeld, Mémorial de la Déportation des Juifs de France
et A. Doulut, S. Klarsfeld, S. Labeau, Mémorial des 3 943 rescapés juifs de France
Au printemps 1942 part un premier convoi de France vers Auschwitz. S’il est trop tôt alors pour imaginer la déportation massive des Juifs de France, c’est pourtant bien là ce qui se met en place.
Il était tailleur, venu de Pologne en 1936 et croyait aux idéaux républicains de la France. Comme des milliers d’hommes jeunes et étrangers, en grande majorité polonais, il est arrêté le 14 mai 1941 au cours de l’opération dite du « billet vert », et interné au camp de Beaune-La-Rolande, dans le Loiret. Le 4 août, il s’évade, se cache un temps à Gentilly et se fait arrêter de nouveau à la station Ménilmontant lors d’un contrôle d’identité, le 20 août 1941, alors qu’il voulait retourner chez lui pour voir sa femme et son fils, au 14 rue Delaitre, dans le 20e arrondissement. Il est interné au camp de Compiègne jusqu’à son départ pour Auschwitz. Sa femme et son fils ne l’ont pas revu.
Chil Ostrowiecki est parti le 27 mars 1942 par le premier convoi, le seul (avec le convoi no 78) constitué de wagons de voyageurs de 3e classe et exclusivement composé d’hommes : 1 112 Juifs, dont seuls trente-cinq reviendront. Il s’agit d’une initiative du Commandement militaire allemand en France occupée, à titre de représailles pour des attentats contre des militaires allemands commis par des résistants français. Mais, comme le remarque Serge Klarsfeld, cette première déportation à caractère politique est également le prélude à la « solution finale » systématique, les déportations en chaîne commençant à peine trois mois plus tard.
Ce premier convoi est composé de Juifs étrangers arrêtés à Paris lors de la rafle du 20 août 1941, ou envoyés de Drancy à Compiègne pendant l’hiver 1941-1942, ainsi que de Juifs français, arrêtés à leur domicile le 12 décembre 1941.
Du 20 au 25 août se déroule la seconde opération d’arrestations massives de Juifs à Paris. Plus question de convocation, ni de « billet vert » comme lors du 14 mai ; cette fois-ci, les forces de police bouclent les voies d’accès et les métros et cueillent les gens. Chil Ostrowiecki a eu la malchance de subir les deux. 5 784 personnes sont arrêtées dont 1 500 Juifs français, tous sont internés au camp de Drancy ouvert pour la circonstance.
àLe 12 décembre a lieu la rafle dite « des notables » français : 743 Juifs de milieu aisé sont arrêtés à leur domicile par des hommes de la Feldgendarmerie et de la Sipo-SD (assistés de policiers français), regroupés à l’École militaire, puis transférés au camp de Compiègne-Royallieu. Le millier n’étant pas atteint, Dannecker va choisir 300 Juifs de Drancy, issus de milieux aisés, pour compléter le convoi.
Ces hommes vont rejoindre les premiers prisonniers polonais et russes pour participer à la construction des baraques de Birkenau, comme le feront d’ailleurs également les convois suivants, constitués en majorité par les 3 700 hommes du « billet vert », tous envoyés dans le camp d’Auschwitz I.
S’il n’est pas encore question de gazage systématique, qui n’interviendra qu’à partir du septième convoi, la mortalité enregistrée par le premier contingent de la rafle du Vel d’Hiv est effrayante : 1 008 décès d’avril à août, soit 91,6 % de morts en cinq mois de détention.
Chil Ostrowiecki avait 31 ans. Il est mort d’épuisement au bout de trois mois. Son fils Henri avait 3 ans quand son père est parti. Il n’a pas d’autre souvenir qu’une sensation, le contact chaud des genoux de son père contre ses hanches pendant qu’il travaillait sur la machine à coudre. De son visage, de sa voix, il n’a rien su, hormis une petite photo dentelée sauvée du désastre.