Ce n’est pas une comédie mais on rit beaucoup. Ce n’est pas un drame mais on a parfois les larmes aux yeux. Ce n’est pas une fiction ni un documentaire, ni un biopic… C’est une sorte d’objet cinématographique non identifié.
Pour ton mariage, c’est l’histoire d’un homme qui va régulièrement au cimetière pour continuer son travail d’analyse sur la tombe de son psy. C’est l’histoire d’un homme qui cherche désespérément la reconnaissance de son peintre de père et voit son mariage phagocyté par son chanteur de beau-père. C’est l’histoire d’un homme qui n’a jamais reçu d’amour maternel et qui déborde d’amour pour ses enfants et ses ex-femmes. C’est l’histoire d’un homme qui s’interroge sur l’histoire de sa vie et nous la livre telle qu’elle est, sans artifice, presque sans filtre.
À travers des images d’archives et de dîners de famille, Oury Milshtein nous fait entrer dans son intimité au point qu’on a parfois peur de déranger. On voudrait presque s’excuser d’être là, de faire intrusion dans cette vie de famille recomposée à laquelle nous sommes étrangers mais qui nous touche. On a l’impression de vivre des moments importants avec cette famille-là : on rit avec elle devant les personnages que l’on trouverait grossièrement caricaturés s’ils n’étaient pas réels ; on pleure en traversant avec elle les drames et les deuils qui l’ont frappée ; on s’interroge avec elle sur l’amour, la mort, la filiation, la transmission…
Oury Milshtein a créé un film absolument étonnant en mêlant des archives familiales et des images actuelles. Avec tendresse et humour, à la frontière entre la pudeur et l’impudeur, il nous fait pénétrer dans sa vie comme s’il nous donnait à lire son journal intime ou nous laissait assister à ses séances de psy. Et en nous forçant en quelque sorte à nous introduire dans la réalité de sa vie qui, nécessairement, entre en résonnance avec la nôtre, Oury Milshtein nous force à l’introspection.
Pour ton mariage nous touche au plus profond de nous parce qu’en nous parlant de lui avec une telle authenticité et une telle sincérité, le réalisateur nous parle de nous, de nos manques, de nos failles, de nos interrogations, de nos errances, de nos bonheurs teintés de souffrance.
Ici, ni fiction, ni maquillage, ni comédiens : nous sommes dans le vrai, dans le spontané, dans le vif. On ressort de ce film comme d’une séance d’analyse particulièrement secouante. De celles qui permettent de dénouer tous les fils qu’on a cherché à tirer, séance après séance, durant quarante ans, sur le divan.
Sortie le 20 décembre 2023