Daniel Farhi, Militant de la mémoire

Une litanie de noms. 76 000 noms égrenés un à un par des volontaires le jour de Yom Hashoah pendant 24 heures, sans interruption. Si la cérémonie s’est institutionnalisée, abritée depuis plusieurs années par le Mémorial de la Shoah, la lecture publique a vu le jour en 1990, place des Martyrs Juifs du Vel’ d’Hiv, à deux pas du métro Bir Hakeim. Elle a permis d’instaurer en France la célébration du Yom Hashoah. Au départ, ils ne sont qu’une poignée d’hommes et de femmes, réunis sous la grande tente blanche dressée devant la Seine. Déjà, des curieux s’arrêtent, à pied ou en voiture, pour écouter cette étrange mélodie qui résonne à quelques centaines de mètres de l’ancien Vel’ d’Hiv.

L’initiative en revient au rabbin Daniel Farhi, fondateur du MJLF en 1977. C’est lui qui en suggère l’idée à son ami Serge Klarsfeld. Les deux hommes se sont rencontrés à Copernic, dont Daniel Farhi était alors le rabbin, après une conférence de Serge Klarsfeld. Dès lors, le rabbin milite à ses côtés pour le jugement des criminels nazis. « À l’époque, nous n’étions pas nombreux, raconte Serge Klarsfeld. S’associer à notre combat, c’était notamment accepter de venir en Allemagne dans l’illégalité et prendre le risque d’être arrêté par les autorités ». Daniel Farhi devient à son tour un inlassable militant de la mémoire, faisant du MJLF une communauté viscéralement engagée dans la transmission. Il a l’intuition du rôle que peut jouer cette cérémonie auprès des survivants, des familles de déportés, et au sein de la communauté nationale. « Avec cette lecture, la mémoire devient vivante, commente Serge Klarsfeld. Les morts ne sont pas de simples statistiques. Faire entendre leurs noms permet à ceux qui lisent de prendre conscience de l’énormité de cette tragédie. Cette cérémonie a sans doute contribué à la prise de conscience collective, y compris au sein de la communauté juive ».

LECTURE DES NOMS

C’était sans doute pour le rabbin sépharade, d’origine turque, un moyen « d’essayer de replacer la présence de Dieu dans une pareille tragédie ». Un engagement que Daniel Farhi porte, chevillé au corps. « Les rabbins sont comme des philosophes lorsqu’ils ont un niveau intellectuel élevé, déclare Serge Klarsfeld. Daniel Farhi est un de ceux qui ont forgé cette interprétation de la Shoah mettant en avant la singularité et l’importance de l’événement ». Comme en témoigne ce sermon prononcé au début des années 2000 à l’occasion de Yom Hashoah, intitulé « Au dernier survivant », qui a marqué Serge Klarsfeld. « Où que ce soit, quand que ce soit, je serai là avec toi, le dernier survivant… », écrit Daniel Farhi. « Je te promets d’être la mémoire de ta mémoire. Je te promets que ce que tu as enduré ne sera pas effacé de la conscience humaine. Je te promets cette ultime justice de ne pas laisser ton nom ni ta souffrance disparaître de l’histoire universelle… »