En Israël, cette semaine était consacrée aux commémorations de Yom haZikaron, une période dédiée à rendre hommage aux soldats de Tsahal morts pour leur pays. Dans le Néguev, près de Gaza, se situe la base militaire d’Urim où, le 7 octobre, sept soldats ont perdu la vie – d’autres ont survécu. Les survivants et les familles endeuillées ont partagé leurs récits avec Lara Tchekov pour Tenou’a.
Sarah Farash a tragiquement perdu son mari Aaron, un soldat de carrière, à l’âge de 37 ans. Ils ont cinq enfants, âgés de 1 an et demi à 14 ans. “Lorsque tous les soldats se sont levés pendant la cérémonie de Yom haZikaron, je l’ai cherché instinctivement, même si je savais qu’il n’était pas là. Les enfants ressentent énormément son absence.” Le 7 octobre, à 6h30, Aaron arrive sur la base d’Urim. Les terroristes sont déjà là. Dans une tentative de protéger sa collègue Alina, ils sont tous les deux tués lorsque les terroristes lancent une grenade dans la “salle de guerre”. “Quand les officiers sont arrivés pour m’annoncer la terrible nouvelle du décès de mon mari, j’ai hurlé. Mon fils de dix ans s’est mis à tambouriner partout en pleurant. Le choc est profond, chaque jour je ressens un vide. Nous nous levons le matin comme des robots. Imaginer les bat mitzvah, ainsi que les mariages de mes enfants sans lui est une pensée pénible”.
Raz Balaban a tatoué “07.10.23” sur son bras gauche, accompagné de la lettre “א” en hébreu, en hommage à Alina, sa petite amie décédée lors des attaques sur la base d’Urim. Bien qu’il soit soldat lui aussi, il n’a pas eu le courage de retourner sur les lieux depuis ce jour. Malgré une blessure par balle à la jambe, Raz confie que ces attaques meurtrières ont renforcé son désir de devenir officier de carrière et de servir dans l’armée. “Protéger mon pays, c’est dans mon sang“, déclare-t-il avec conviction. Où puise-t-il la force de se lever chaque matin? Il répond: “C’est une bonne question.” Pour surmonter son chagrin, il a trouvé refuge dans une nouvelle activité: “J’ai investi dans des chevaux et j’ai créé une écurie.” À la question de savoir si c’est une passion, il répond simplement: “Non, mais j’avais besoin d’occuper mon esprit.”
Aaron et Alina n’étaient pas seuls dans la salle de guerre le 7 octobre. Deux autres soldates, Eden Ram et Sahar Atidgi, âgées toutes deux de vingt ans, étaient présentes. “Alors que je dormais, l’alarme m’a brusquement réveillée. Dans la hâte, j’ai attrapé mon arme et mes tongs avant de me précipiter vers l’abri. Les explosions étaient d’une intensité incroyable, on aurait dit que les missiles tombaient à quelques mètres de nous”, raconte Eden. “Nous étions dans un abri, cachées, et devions à tout prix rejoindre la salle de guerre censée être l’endroit le plus sécurisé de la base”, poursuit Sahar.
Eden reprend: “Lorsque nous étions dans l’abri, j’ai réussi à communiquer avec un autre soldat, Itamar, qui se trouvait dans un autre refuge. Je lui ai expliqué de loin comment utiliser son arme, car il n’était pas un soldat combattant. Il m’a dit qu’il avait peur et qu’il ne voulait pas sortir de sa cachette, car il entendait parler arabe autour de lui. Peu de temps après, les terroristes sont arrivés dans l’abri où se cachait Itamar et l’ont tué”. À cet instant, Eden et Sahar réalisent qu’ils sont présents dans le seul but de les éliminer.
Une fois parvenues à rejoindre la salle de guerre, “Aaron et Alina se sont mis devant la porte pour nous protéger. Le Hamas a finalement réussi à s’introduire dans la pièce. Ils ont tué Aaron. Alina a couru pour refermer la porte et essayé de les faire partir. En quelques secondes, les terroristes ont lancé une grenade. Tout a explosé. Alina n’a pas survécu”. Ils tirent pendant de longues minutes, sans interruption, des centaines de balles. “On a fermé les yeux et on s’est fait passer pour mortes. Ils ont vérifié les cadavres, mais heureusement, ils ne nous ont pas vues. Pour atteindre ma position, ils auraient dû déplacer plusieurs cadavres”, explique Sahar. Eden craint d’être prise en otage et kidnappée. “Lorsque les terroristes ont quitté la salle, ils ont tiré une dernière salve de balles pour s’assurer que tout le monde était mort. J’ai ouvert les yeux mais je ne voyais rien, tout était noir. Je sentais quelqu’un respirer près de moi, c’était Sahar”. Malgré les nombreuses balles reçues, elles ont miraculeusement survécu à l’attaque.
Le 7 octobre, les terroristes ont envoyé une photo d’Itamar, le soldat assassiné à l’âge de 19 ans, sur le téléphone de sa mère, Léa Ayash. C’est ainsi qu’elle l’a découvert ensanglanté et sans vie. Cette image, la première parmi d’autres qui ont suivi, a rapidement circulé sur les réseaux sociaux. “Je n’arrive pas à parler de lui au passé“, s’excuse-t-elle. “Il était passionné par l’univers Marvel, mais malheureusement, les super-héros ne lui ont pas porté secours ce jour-là. Il admirait son commandant Aaron, qui était son mentor. Le lien entre Itamar et Aaron était fort, presque filial. La maison est vide. Je dois rester forte pour mes deux autres enfants. J’ai démissionné d’un emploi que j’occupais depuis trente-deux ans. Le matin, après avoir conduit les enfants à l’école, je retourne me coucher. Je suis incapable de me projeter dans l’avenir.” Depuis la mort d’Itamar, son petit frère trouve du réconfort en construisant des Lego Marvel en sa mémoire, notamment des figurines de Spiderman. Cette façon de lui rendre hommage a attiré l’attention de Maor, un créateur de Lego bien connu en Israël, qui s’est ému de l’histoire de la famille Ayash. Maor a pris l’engagement d’offrir régulièrement des Lego au petit frère d’Aaron. “À chaque début de mois, il nous apporte de nouveaux Lego Marvel. Il a tenu sa promesse. Ils sont maintenant partout dans la maison!” Léa sourit avec émotion.