Cette année, les fêtes tombent très tôt », entend-on répéter autour de nous, à l’approche du nouvel an juif. En ce début de mois de septembre, les solennités de Tishri coïncident avec les rentrées annuelles des uns et des autres.
L’expression a de quoi laisser songeur : le propre du calendrier hébraïque est que les fêtes ne tombent ni tôt ni tard, mais toujours précisément à la même date.
Rosh Hashana et Yom Kippour sont toujours commémorés aux premiers jours du mois de Tishri. La perception de leur variabilité n’est bien sûr que relative à l’autre calendrier de notre vie, le calendrier civil. Ce face à face entre deux calendriers nous invite à envisager les temps pluriels de nos vies, les temporalités multiples dans lesquelles nos existences se tissent et s’inscrivent.
Nous naviguons ainsi toujours dans un entre-deux temps qui n’est ni uniquement civil ni uniquement religieux. Le décalage s’installe parfois entre les temps institutionnels et les temps personnels de nos vies. Les dates conventionnelles et collectives ne correspondent pas toujours aux perceptions subjectives ou privées du temps qui passe. C’est ce que traduisent des expressions usuelles telles qu’être « en avance sur son temps », « en retard sur son époque » ou « ne pas faire son âge ».
Parfois, un décalage s’immisce entre des clepsydres de nos vies qui s’écouleraient à des rythmes différents.
L’année juive, cette année, débute donc par une conscience aiguë de cet entre deux temps de nos vies.
Septembre sonne les rentrées scolaires ou professionnelles. La reprise des activités et la planification des agendas construisent ce que l’on nomme « routine », la répétition programmée et indifférenciée des journées.
Tishri et ses solennités, aux sons du shoffar, appelle précisément à l’exercice inverse et nous dit : interromps tes activités et brise la routine de ton existence. En ces yamim noraim, jours redoutables, le temps est mis à l’écart dans le rite et la rupture d’habitude, présentés comme condition incontournable à l’introspection réelle.
Yom Kippour, qui interrompt tous les rythmes normatifs d’une journée, à commencer par les repas, est appelé dans le Talmud « Yoma », c’est-à-dire « le jour » par excellence, celui qui porte le nom de tous les autres mais ne ressemble à aucun.
La cloche des écoles ou le son du shoffar, deux voix qui retentissent de questions différentes. Un calendrier de nos vies nous dit : que vas- tu faire ? Et l’autre : qui vas-tu être ? L’un nous dit : Programme ton avenir, et l’autre : Es-tu bien sûr d’en avoir un ? Et il faut « entre-temps » composer, à la fois dans l’introspection et dans la projection, en rêvant d’avenir, mais en toute conscience du contrôle limité que nous avons sur nos vies.
Un proverbe yiddish dit « pendant que l’homme fait des plans, Dieu rit ». Ce rire aussi résonne en début d’année.
Puisse-t-il n’annoncer que des joies et des bénédictions pour les mois à venir.
Que cette année 5771 soit pour vous et vos proches un temps de santé, de prospérité et de paix.