Jour de mariage. Sous le dais nuptial dressé, symbole d’un foyer qui se construit, les fiancés se tiennent côte à côte. Sept bénédictions sont récitées et racontent dans le langage imagé de la liturgie traditionnelle un retour au début de l’Histoire : « Que l’Éternel réjouisse les mariés comme il a réjoui ses créatures au jardin d’Éden… »
Le temps d’une cérémonie nuptiale, nous voilà revenus au paradis pour être témoins de l’union primordiale entre Adam et Ève. Et nous en sommes à nouveau expulsés… par un verre brisé. La cérémonie juive du mariage s’achève toujours dans cette brisure irréparable. Elle est essentielle. Certes, selon nos sages, il s’agit de marquer le souvenir de la destruction du Temple de Jérusalem, un deuil au cœur de la fête, une incursion du passé au milieu des projets d’avenir. Mais le verre brisé dit aussi autre chose. Il est un peu au mariage juif ce que les trois coups sont au théâtre, à ceci près qu’au lieu d’ouvrir la cérémonie, il la scelle. Il est la conscience sonore d’une transition nécessaire. Il marque le passage entre deux temps de nos vies: le mythique et le réel, le sacré et le profane.
Au jardin d’Éden et sous la houppa, le monde est encore entier comme un verre intact. Mais la réalité que nous habitons est celle d’un univers imparfait et brisé. Et le rôle du couple, selon la tradition juive, est précisément d’engager un tikkoun, une réparation du monde à travers le foyer que les mariés s’apprêtent à construire. C’est à deux que le monde se répare, dans la rencontre de deux univers qui ne peuvent jamais complètement fusionner mais qui se fertilisent mutuellement par la richesse de leur dialogue. C’est par le couple que se recommence et se parachève sans cesse la création du monde, à la manière d’une genèse perpétuelle.
Se rencontrer, se marier, et parfois se séparer: ce numéro de Tenou’a explore les défis permanents de la conjugalité juive, y compris les questions que mettent en jeu pour le judaïsme contemporain les débats les plus vifs comme ceux de l’union « mixte » et du couple homo- sexuel. Les auteurs et les artistes qui ont participé à ce numéro ont tous accepté de chercher des réponses modernes à des questions ancestrales, en s’efforçant pour cela de marier tradition et créativité. L’Atelier créatif de Tenou’a a même imaginé et réalisé une bague de mariage, une création originale nourrie des textes de la mystique juive.