Put on your yarmulka. Here comes Hanukka…
(Mets donc ta kippa, Hanoukka est là…)
Vous connaissez peut-être les paroles de cette célèbre Hanukka song. En 1994, l’humoriste américain Adam Sandler l’a composée à la façon d’un chœur de Noël pour, je cite, “remonter le moral de tous les enfants juifs frustrés d’être les seuls dans leur quartier à ne pas avoir de sapin”.
Mais cette année, miracle du calendrier, aucune frustration pour les uns ni les autres. Le 24 décembre 2016, les fêtes et les chants de Noël et de Hanoukka résonneront simultanément.
Bien sûr, les deux fêtes ont beaucoup en commun : il y est question de miracles, de lumières et de retrouvailles familiales. Mais elles sont aussi deux récits très opposés, deux pensées presque contradictoires : Noël, pour les Chrétiens, dit la naissance d’un sauveur de l’humanité, et évoque donc une rédemption universelle. Hanoukka, au contraire, est pour les Juifs l’histoire de la victoire du petit groupe en lutte contre une certaine idée grecque de l’universel, c’est la légitimité du particularisme face à la menace d’un langage unique.
Vivre simultanément les deux fêtes, cette année, est comme une invitation pour les uns et les autres à revisiter ce qui nous rapproche et nous distancie. C’est précisément ce que veut faire ce numéro de Tenou’a : penser les conflits des origines, les réparations et les dialogues renouvelés, les non-dits du passé et les chantiers à venir d’un dialogue interreligieux, cinquante ans après Nostra Ætate.
Au séminaire rabbinique, notre professeure de Religions Comparées, Carol Ochs, avait une méthode d’enseignement originale, très peu “orthodoxe”. À chaque fois que nous étudiions avec elle une tradition religieuse, elle nous demandait d’intégrer dans nos pratiques quotidiennes un élément de la tradition en question, de le faire nôtre le temps de son enseignement. Voilà comment nous méditions tout en découvrant le bouddhisme, nous prosternions pendant que nous étudiions l’islam et faisions l’expérience de nous agenouiller tout en réfléchissant à l’enseignement chrétien. J’ai compris cette année-là combien visiter la maison de l’autre est un trésor infini. On y découvre certes un univers étranger mais on s’y redécouvre aussi soi-même, comme si cette visite hors de chez soi éclairait un peu mieux notre propre maison. Bonne visite… et bonnes fêtes à tous !