Enfant, mon fils lisait beaucoup de bandes dessinées, tout particulièrement celles où les super-héros sauvent le monde par leurs pouvoirs. Un jour, très fièrement, il est venu me trouver, en me disant: “Moi aussi, maman, j’ai un super-pouvoir très particulier et très rare: je sais dessiner dans le noir… à condition qu’il y ait juste un peu de lumière”.
Sa découverte m’avait beaucoup fait rire à l’époque et nous avions salué ensemble ce “miracle”. J’y repense aujourd’hui avec émotion, en parcourant les pages de ce numéro de Tenou’a. Car, finalement, c’est précisément de ce superpouvoir rare et précieux que ces pages témoignent. Les auteurs de ces bandes dessinées, de ces romans graphiques de la mémoire disent tous, à leur manière, qu’il nous est donné de dessiner la nuit, de représenter en images et dans l’ombre l’irreprésentable en plein jour, de mettre un peu de lumière sur la nuit de notre histoire juive et humaine.
Dans la Torah, le plus grand des artistes se nomme Betzalel. Il construit le Tabernacle, peint et dessine le sacré dans le désert. Son nom, Betzalel בצלאל, signifie littéralement be-tzal-El, “à l’ombre du divin”. L’artiste n’habite donc pas à la lumière de son temps mais dans une obscurité qui l’abrite et lui permet de représenter le monde, de dire l’indicible. Il est celui qui sait dessiner dans le noir, à condition qu’il y ait un peu de lumière, celle de son talent.
Et ainsi, grâce à ses œuvres, nous gardons la mémoire.
La rédaction de Tenou’a remercie chaleureusement toutes les personnes qui ont aidé à la réalisation de ce numéro et tout particulièrement : Judith Cytrynowicz (FMS), Odélia Kammoun, Serge Klarsfeld (FFDJF), Anne Pinto, Brigitte Sion et Galith Touati (L’enfant et la Shoah) ainsi que tous les partenaires institutionnels et les contributeurs de ce numéro.