Internet et les éditeurs de livres numériques voient se multiplier les nouvelles ou romans érotiques qui se situent dans un cadre orthodoxe, c’est-à-dire qu’il s’agit toujours d’un couple hétérosexuel marié et religieux. À partir de là, l’exploration peut commencer. Exploration de son propre corps et de ses émotions, exploration du corps de l’autre, exploration de nouvelles pratiques sexuelles et d’une nouvelle sensualité dans l’intimité du couple. À décoiffer plus d’une barbe ou perruque. Cette nouvelle littérature inclut souvent une étape initiatique, un moment de découverte d’une autre sexualité par un hasard bien accommodant. Dans le roman Her Neighbor’s Pleasure (« Le Plaisir de sa voisine ») de Shosha Pearl (www.shoshapearl.com), Esther, fille et femme de rabbin, découvre un jour qu’elle a une vue plongeante sur l’appartement de ses nouveaux voisins, un jeune couple récemment marié et particulièrement fougueux. Elle n’a pas le temps de se demander si le voyeurisme involontaire est admissible par la halakha qu’elle sent son corps réagir fébrilement aux ébats de ses voisins. S’ensuit une grande confusion devant ces sensations qui lui procurent un plaisir ineffable et la crainte devant ces mêmes sensations. Inspirée par ses voisins, brûlant de désir, Esther s’essaie d’abord au plaisir solitaire, avec une réussite qui l’affame encore plus. Avec son mari, elle commence à exprimer sa satisfaction, ses souhaits, tout en maintenant les règles de pureté familiale qui interdisent l’acte sexuel près de deux semaines par mois. Ce respect strict de lois de nidda est porté à leur avantage. Lorsqu’ils se retrouvent, la passion les dévore et l’auteur décrit leurs ébats avec naturel et élégance. Il y a quelque chose de profondément romantique dans cette redécouverte de l’autre, dans cette audace sexuelle et dans l’exploration de son propre corps et de ses sensations.
[…]
[…]
Shosha Pearl a raconté au Daily Beast comment le livre 50 Nuances de Grey, qui a popularisé le porno soft, l’a poussée à écrire de la littérature érotique. Elle a découvert que de nombreuses connaissances orthodoxes de son milieu nettement conservateur avaient lu secrètement le roman en question et rêvaient d’une version qui leur soit permise « pour tout un chacun, même les plus religieux, tout en se sentant à l’aise à l’idée d’être excité. » Pearl fait partie d’une constellation grandissante d’écrivains, d’artistes et d’entrepreneurs qui s’intéressent à l’érotisme kasher. C’est une démarche similaire qui a conduit le rabbin israélien Natan Alexander à fonder le site internet bebetter2gether.com qui dispense des réponses à toutes les questions sur la sexualité et qui vend des jouets sexuels, des lubrifiants et autres accessoires érotiques. Les articles proposés ne semblent pas différents d’autres sites spécialisés. Et pourtant : ici, pas d’image ou de mot explicites et rien qui ne viole la halakha. Ainsi, les vibrateurs sont vendus à des couples et sont destinés aux femmes pour aider à l’orgasme des deux époux. De même, pas d’articles favorisant les rapports anaux ni la masturbation masculine. L’idée est à la fois de faire un commerce professionnel, ouvert et accessible à tous, tout en préservant les principes juifs de modestie, de confidentialité et de moralité. Le rabbin Alexander a créé le site après avoir cherché à revivifier son mariage qui s’enlisait un peu. Il propose non seulement du matériel pour pimenter sa vie sexuelle, mais aussi des livres, un blog et une foire aux questions qui permet de demander tout ce qu’on n’ose pas toujours demander à son rabbin.
Un autre esprit entrepreneur, c’est Maureen Pollack, qui a inventé WaterSlyde, un petit accessoire en plastique rose qui se place sur le bec verseur pour mieux orienter le flot d’eau sur le vagin ou toute autre partie érogène pendant que l’on est confortablement installée dans son bain. Il s’accroche sur tous les types de baignoires et pour $24.95, est un cadeau utile et original pour toutes les femmes (sa mère a reçu le premier Waterslyde en cadeau). Pollack se définit comme une mère de famille qui fréquente le mikvé entre autres caractéristiques. On voit bien qu’il existe tout un marché du frum sex, qui inclut les récits de fiction, la lingerie, les sex-toys et autres accessoires qui favorisent une sexualité épanouie, diversifiée et halakhique.
Dans un autre genre, la photographe israélienne Rebecca Sigala (rebeccasigala.com) propose des « photographies de boudoir », où ses sujets, féminins, consentants prennent un plaisir non dissimulé à se faire photographies en porte-jarretelles rouge, avec ou sans soutien-gorge, dans des positions lascives dans des édredons, sur des fauteuils en cuir ou dans un lit.
Finalement, le site web jewrotica.org est une véritable auberge espagnole, proposant de la poésie érotique, des histoires d’orgasmes entre femmes, des essais sur la sexualité dans le Talmud et la vente de strings et sous-vêtements sexy. Mais les nouvelles publiées en ligne sont très inégales, la plupart du temps assez médiocres. C’est malheureusement la nature de ce genre de sites qui sont ouverts à tous les contributeurs et qui publient tout ce qui leur arrive, sans discriminer. La quantité l’emporte sur la qualité.
Alors, pour une approche ouverte à la sexualité, il suffit de quelques clics de souris pour trouver découvrir de nouveaux territoires corporels, titiller son partenaire – pardon, son conjoint – avec des accessoires et jouets ludiques, s’inspirer de récits fictifs pour ranimer le feu de la passion dans la chambre à coucher et conquérir une sexualité variée, épanouie et halakhique. Évidemment, pour les orthodoxes qui refusent l’accès à Internet, ces nouveaux horizons resteront lointains et obscurs. Pour les autres, l’excitation ne fait que commencer.