Nous étions quatre-vingt sur zoom, ce 8 novembre 2024 pour suivre le premier Parasha Book Club de Tenoua. Animé par Anna Klarsfeld, ce cours hebdomadaire entend permettre à toutes et tous de s’approprier les textes, de les commenter ensemble, pour comprendre comment ils peuvent résonner avec nos vies actuelles. Une heure, sur la pause déjeuner (12h45-13h45), pour “réfléchir aux textes, non pas comme à des textes anciens et poussiéreux, mais les dépoussiérer, y jeter un regard neuf et vous permettre de vous y frotter directement”.
Au programme de cette première étude interactive: Lekh Lekha, la troisième parasha de la Torah et du livre de la Genèse. “Une parasha qui a un rôle spécial, puisqu’elle fait la transition entre le tout début de la Genèse, les deux premières parashiot, c’est-à-dire Bereshit, qui racontait la création du monde et de l’humanité (l’histoire d’Adam et Ève) et la parasha Noah (Noé, qui raconte le déluge et la recréation d’un nouveau monde). Avec Lekh Lekha, le personnage d’Abraham fait son apparition. On passe d’un récit qui parle de l’humanité dans son ensemble à un récit qui se focalise sur la famille abrahamique, et ce qui devient ensuite le peuple d’Israël.”
Dans cet épisode, Abraham reçoit une promesse de Dieu, à l’ouverture du chapitre 12 de la Genèse: “Pars de ton pays, pars de ta famille, de la maison de ton père, vers le pays que je te ferai revoir. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai. Je ferai de toi une grande nation”. Promesse réitérée trois chapitres plus loin: “Contemple le ciel, compte les étoiles, si tu peux les compter, telle sera ta descendance”.
“Problème!”, nous dit Anna: la femme d’Abraham, Saraï est stérile. Comment alors assurer une descendance aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel?
C’est Hagar, la servante de Sarah, qui portera leur enfant. “C’est une sorte de mère porteuse d’avant l’heure”, nous dit Anna, en évoquant les séries The Hand’s Maid Tale et A Body That Works (Goof Shilishi en hébreu).
Tout au long de l’étude, on interroge les ressentis des personnages: “D’après vous, qu’est-ce que ressent Saraï quand elle fait cette proposition à Abraham? Pensez-vous qu’elle anticipe que cela peut bouleverser la relation qu’elle a avec son mari?”. “D’après vous, maintenant, qu’est-ce que ressent Hagar?”. Chacun est invité à se prononcer et à analyser à son tour ces textes millénaires à la lumière de sa propre pensée.
Les réponses abondent et guident l’étude, éclairée par de nombreuses sources, analyses d’autres commentateurs et de références à différents midrashim. “Pour ceux qui ne sont pas forcément familiers avec ce terme, un midrash, c’est un commentaire de la Torah qui prend la forme, en quelque sorte, d’une fan fiction biblique, c’est-à-dire qu’il imagine les coulisses du récit biblique.”
Que dit cet épisode de la servitude? De l’oppression? De la reconnaissance de la souffrance? Le lien qui peut être fait entre cet épisode et le présent, “c’est que notre souffrance, parfois, nous empêche de voir celle des autres. Et comment, en voyant la souffrance de l’autre, on peut donner la possibilité à l’autre de voir aussi notre souffrance.”
En ouverture, pour clôturer la séance, Anna nous a partagé une lettre fictive, écrite par Mohja Kahf, poétesse, romancière et enseignante syro-américaine, qui imagine qu’Hagar écrit une lettre cathartique à Saraï, un exercice qui serait suggéré par son psy. “Chère Saraï, la vie a fait de nous des ennemies, mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Et si on larguait toutes les deux ce vieil homme? Il pourrait avoir des droits de visite avec les garçons, les week-ends et les jours fériés en alternance. Toi et moi, on fonderait un foyer, on élèverait les enfants. On créerait peut-être un restaurant. Tu as un cerveau? Moi aussi. On pourrait voyager. Il y a des endroits à voir dans le monde, en plus de […] ce désert complètement paumé avec ces bandes de malfrats.”
En résumé, le Parasha Book Club, c’est une heure d’apprentissage accessible, interactif et décomplexé. Nul besoin de connaître la Torah pour participer à ce cours. C’est un moment pour se l’approprier, dans un cadre où le texte devient un récit universel plus que religieux. Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de cette histoire avec la parasha Vayéra.
Le Parasha Book Club de Tenoua: chaque semaine le vendredi de 12h45 à 13h45 sur zoom. Tarif: 10€ sur réservation, avec accès à la vidéo en replay. Pour être informé des prochaines sessions, inscrivez-vous ici.