Être un leader juif, guide pratique

En postface de ses « Leçons de leadership » (Lessons in Leadership, A Weekly Reading of the Jewish Bible, Maggid, 2015), le rabbin Jonathan Sacks propose sept principes pour un leadership juif. Sorte de manifeste du pouvoir inspiré, responsable et éthique, il apporte un éclairage juif sur le rôle du leader dans le monde contemporain.

#1 Diriger, c’est servir
Rappelant que Moïse est qualifié dix-huit fois de « serviteur de l’Éternel » dans la Torah, et cet épisode du Talmud (Horayot) où Rabban Gamliel recadre deux de ses confrères qui viennent de refuser de diriger son académie : « Vous imaginez-vous que je vous offre une autorité ? (…) Je vous demande de servir », Sacks note que le symbole juif par essence se dessine comme l’opposé d’une structure pyramidale : la ménora (le chandelier) est multiple à la tête et unique à la base.

#2 Prendre ses responsabilités
C’est encore Moïse qui illustre ce principe, par le choix qu’il fait d’intervenir lorsqu’il assiste à une injustice alors que son double statut d’Hébreu et d’Égyptien lui permettrait de rester de côté – un Égyptien qui frappe un Hébreu, deux Hébreux qui se battent, des bergers qui molestent la fille de Yitro, etc. Un leader, nous dit Sacks, ne se plaint pas, il agit pour rétablir la justice, travaille en concorde avec les autres et accepte le principe du travail d’équipe. Autrement dit, précise Sacks, il n’y a pas de moule du leader juif, mais une multitude de perspectives et de responsabilités qui ne permettent un bon leadership que lorsqu’elles unissent leurs forces.

#3 Avoir une vision
« Sans vision, le peuple dépérit », disent les Proverbes. Les paroles prophétiques, les rêves bibliques, mais aussi les poèmes, la philosophie et même le sionisme laïc du xixe siècle portent en eux cette spiritualité qui permet l’utopie. « Nous sommes le peuple jamais guéri de ses rêves », affirme Sacks, et cet état de rêve jamais vraiment achevé évite la recherche du pouvoir per se, et permet au leadership ainsi amarré à sa vision, d’être une source d’inspiration.

#4 Enseigner
Parce que diriger, c’est permettre aux individus de penser par eux-mêmes et ainsi d’embrasser la volonté de changement, diriger est avant tout une mission d’enseignement, explique Sacks. Les trois niveaux de pouvoir bibliques – rois, prêtres et prophètes – portaient d’ailleurs tous cette dimension éducative.
Un mois avant sa mort, aux portes de la Terre promise, Moïse réunit le peuple d’Israël pour lui livrer une leçon magistrale qui donnera le livre du Deutéronome, devenant par là même Moshé Rabbénou, « Moïse notre enseignant ». Il en découle que le leader doit aussi se maintenir dans l’étude en permanence, une qualité que l’on retrouve, nous dit Sacks, chez les plus grands leaders contemporains, de Churchill à Ben Gourion, ceux qui furent de véritables hommes d’État, et pas simplement des politiciens.

#5 Croire en ses ouailles
Le Talmud nous apprend que Moïse fut réprimandé pour n’avoir pas cru en ses ouailles lorsqu’en Exode, il dit à Dieu : « Ils ne me croiront pas ». Les principes essentiels juifs, écrit Sacks, ne permettent pas la gouvernance autoritaire. Ainsi Rabban Gamliel fut-il démis de sa charge après qu’il tenta d’imposer son autorité à ses pairs. Un chef, conclut Sacks, n’est pas celui qui croit en lui-même, mais en ceux qu’il est amené à diriger.

#6 Avoir le sens du rythme
Frustré du temps que prend le changement à opérer parmi le peuple, Moïse ne conduira pas les Hébreux jusqu’en Terre promise mais se verra soumis à cette sentence exprimée en Mishna Avot : « Il ne te revient pas d’achever cette tâche, mais tu ne peux pas pour autant t’en libérer ». Diriger, c’est être capable de n’aller ni trop vite au risque de perdre le peuple en route, ni trop lentement au risque de provoquer sa lassitude.

#7 Tous leaders
Nous sommes un peuple de leaders, dit Sacks, puisque le livre de l’Exode nous apprend que nous formons « un royaume de prêtres et une sainte nation ». Et ce n’est pas pour rien que les rabbins ont proclamé le principe de kol yisrael arevim zeh bazeh, « chaque membre d’Israël est responsable de chaque autre » (Shevouot). Cette propension à agir ne va pas sans désagréments car rien n’est plus difficile à diriger qu’une assemblée de chefs ou, comme le disait le premier président d’Israël Chaim Weizmann, il n’est pas si simple de diriger « une nation d’un million de présidents».
C’est ainsi que Moïse, qui n’avait pas franchement le goût du pouvoir, se vit ainsi interpellé dès le début de l’Exode par un Hébreu en ces termes : « Qui a fait de toi notre chef et notre juge ? ».

« Ne m’attends pas, dit Dieu à Abraham, va de l’avant », interprète le rabbin Sacks à propos de Genèse 17,1. Sur ces mots aussi prometteurs qu’effrayants, il conclut que si on ne choisit pas d’être chef, si on ne sera jamais vraiment « le bon » chef, nul Juif ne peut se soustraire à cette mission : il faut savoir accepter de diriger.

  • Odelia Kammoun

Le Lab La parasha d’odélia – 49

Une paracha Tsav au rayon boucherie pour Odélia Kammoun :  » Cette semaine, c’est l’inauguration en grande pompe du temple portatif dont vous connaissez maintenant le moindre recoin, si vous avez bien suivi. Les célébrations semblent assez portées sur le sacrifice, voire tout ce qui est sang, intestins, foie, membres en tout genre, rognons, graisse. Vous l’aurez compris, cette affaire n’est pas très vegan friendly, surtout lorsque « Moïse pris (le sang du bélier immolé), qu’il appliqua sur le lobe de l’oreille droite d’Aaron, sur le pouce de sa main droite et sur l’orteil de son pied droit » (Lévitique, 8:23) » Vive le temple !