Dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes, et en commémoration de la Journée internationale des droits des femmes, une exposition de l’artiste israélienne Keren Goldstein Yehezkeli a été inaugurée le 4 mars au cœur de Paris. La cérémonie d’ouverture se tient en présence du Maire de Paris Centre, Ariel Weil, ainsi que de la chargée d’affaires d’Israël en France, Alona Fisher Kamm. Déclarant aux visiteurs de l’exposition que l’acceptation du viol comme arme de guerre est une défaillance morale, l’ambassadrice exhorte à élever la voix pour agir: “Les femmes demeurent invisibles dans l’histoire de l’art et donner leur nom est un moyen de les faire émerger de l’ombre”.
L’exposition baptisée “She’s Gone” [“Elle a disparu”] vise à mettre en lumière la réalité tragique des féminicides qui emportent la vie de 47.000 femmes à travers le monde chaque année. Les récits intimes de ces femmes se dévoilent à travers leurs habits, chaque pièce incarnant l’histoire d’une vie marquée par des espoirs, des rêves, mais aussi une tragédie douloureuse. Nous nous remémorons Mahsa Amini, assassinée à Téhéran pour le “port de vêtements inappropriés” par la police des mœurs. Une vie sacrifiée pour une simple tenue ; cependant, elle a enflammé le cœur et l’audace de tant d’autres femmes.
Une jupe rose en tulle, un sweat-shirt porte-bonheur, une élégante robe rouge en velours ; ces vêtements ont été portés par des femmes de tous âges, de convictions différentes, originaires de régions diverses à travers le monde, toutes liées par le même destin tragique. “Qu’arrive-t-il aux vêtements de ces femmes assassinées ?”, s’interroge l’artiste Keren Goldstein Yehezkeli, à l’origine du projet. “Un habit en dit long sur nous. Notre essence, nos goûts, la manière dont nous désirons être perçues. Après avoir patiemment gagné la confiance des familles des victimes, certaines d’entre elles ont accepté de me confier les vêtements de leur fille ou de leur sœur, même si c’était le dernier souvenir en leur possession”, relate-t-elle.
Certains récits ont laissé une empreinte indélébile dans les mémoires, notamment celui de l’actrice et mannequin Anat Elimelech, cruellement assassinée par son petit ami le lendemain de sa participation à une émission télévisée israélienne en 1997. Elle est représentée à l’exposition par une jupe rose en tulle et ornée de froufrous. Chaque habit est doté d’une petite étiquette renseignant le nom de la victime, la date et l’instrument du meurtre, ainsi que la sentence prononcée par le tribunal, le cas échéant. En toile de fond, des voix féminines entonnent des berceuses dans des langues variées, dont le français.
La représentation de la France est justement portée par trois jeunes femmes : Hélène Khan, dont la vie a été tragiquement écourtée à l’âge de 28 ans le 22 mars 2017 ; Salomé Garnesson, disparue à l’âge de 21 ans le 31 août 2019 ; et Ghylaine Bouchait, disparue à l’âge de 34 ans le 22 septembre 2017. La sœur de Ghylaine, qui fut immolée par son conjoint, partage son témoignage : “Nous préservons le souvenir de ce qu’elles étaient de leur vivant. Ma sœur a été tragiquement assassinée dans le lieu où elle aurait dû être le plus en sécurité”, dit-elle, la voix chargée d’émotion. “Cette exposition nous offre la possibilité de les ressentir, de les toucher, de les entendre.”
Au-delà de préserver la mémoire des défuntes par le biais de leurs habits, l’initiative de Keren Goldstein Yehezkeli vise aussi à éveiller les consciences et à instruire la nouvelle génération, en s’adressant tant aux femmes qu’aux hommes cherchant à canaliser leur agressivité ; le but ultime étant de mettre un terme aux violences conjugales, fléau tenace loin d’être résolu. “En parler ouvertement et inciter un large public à travers le monde entier à découvrir cette exposition représente en soi une avancée importante”, conclut l’artiste israélienne sur une note porteuse d’espoir.
Exposition She’s gone, de Keren Goldstein Yehezkeli, à voir à la mairie de Paris Centre, 2 Rue Eugène-Spuller, Paris 3e, jusqu’au 9 mars.