Freud était extrêmement conscient de l’antisémitisme de son époque mais aussi de celui dont était imprégnée sa formation de médecin et de neurologue. Il conceptualisa l’universalité du psychisme et des processus psychiques en termes darwiniens pour contrer les préjugés sur le « particularisme juif » présents dans l’antisémitisme politique de Vienne et dans la Seconde École viennoise de médecine, et exprimés dans les thèses issues de la théorie des races qui se répandaient dans son environnement personnel comme professionnel.
Le « Juif », dans tous ces milieux, était vu comme hautement prédisposé aux maladies mentales et présentait donc plus de risques d’être un criminel et un pervers sexuel. Pour la psychanalyse, il n’existait pas de spécificité raciale: toute déviance ou pathologie pro- venait de l’expérience humaine et n’était en rien exacerbée par une différence raciale.
Donner une définition de ce que signifie « être juif » était tout aussi compliqué du temps de Freud que cela ne l’est aujourd’hui : était-ce biologique, ethnique, religieux, historique, culturel, politique, tout cela à la fois ou rien de tout cela ? Freud le voyait comme une qualité de l’expérience vécue, un réflexe « d’obscures forces émotionnelles, d’autant plus puissantes qu’on peut moins les exprimer par des mots, ainsi que la claire conscience d’une identité intérieure, “le mystère d’une même construction psychique” (die Heimlichkeit der gleichen seelischen Konstruktion) ».
Traduit par Yael Hollenberg