Quelques éléments de contexte
Tenou’a a choisi de reproduire ce texte de Roni Malkai, une Israélienne d’origine éthiopienne, avocate et militante communautaire. Elle s’adresse ici aux militants du mouvement américain « BLM » pour « Black Lives Matter » [« les vies noires comptent » ou « les vies des Noirs comptent »], né en 2013 au sein de la communauté afro-américaine pour lutter contre le racisme systémique, notamment au sein des forces de police américaines. Cri de ralliement de BLM, la phrase « I can’t breathe » [« Je ne peux pas respirer »] fait référence à la mort de deux hommes afro-américains, Eric Garner en 2014 à New York, et George Floyd en 2020 à Minneapolis, tous deux morts étouffés par des policiers alors qu’ils ne cessaient de répéter « I can’t breathe ».
Le terme « brown people » [littéralement les « personnes brunes »] auquel Roni Malkai fait référence ici est utilisé aux États-Unis notamment soit de façon péjorative (équivalent alors de « basanés » ou « métèques ») soit comme auto-identification par ceux qui ne sont ni des Américains blancs, ni des Afro-Américains.
L’article original est à lire sur le site de Haaretz.
* [Les vies des Juifs comptent aussi]
Tandis que des Israéliens sont assassinés et que l’organisation terroriste Hamas diffuse des vidéos en direct de scènes horribles, à l’autre bout du monde, une page Facebook du mouvement Black Lives Matter, BLM Chicago, publie une déclaration de soutien à la Palestine, accompagnée de l’image d’un parapentiste avec un drapeau palestinien et le slogan « Je soutiens la Palestine ».
Il n’y a pas de moment plus vil dans l’histoire de la lutte si importante pour l’égalité des droits des Noirs que cette expression de soutien au Hamas. Et j’écris ceci en tant que femme juive, noire, israélienne et militante sociale pour la promotion de l’égalité et de la justice. Il semble que la perception déformée des extrémistes radicaux aux États-Unis concernant les rapports de pouvoir et de classe ait perturbé la boussole morale qui devrait guider chaque être humain.
Vous, membres de BLM, qui avez adopté comme slogan I can’t breathe [« Je ne peux pas respirer »] – les mots de George Floyd gisant dans la rue avec, sur son cou le genou d’un policier en train de l’étouffer et de le tuer – comment pouvez-vous détourner le regard alors que le Hamas, une organisation terroriste meurtrière, étouffe jusqu’à la mort des civils israéliens ? Parce que j’ai une nouvelle pour vous : nous aussi, nous ressentons un étau, et nous non plus, nous ne pouvons pas respirer.
Cela fait 20 ans maintenant que nous ne pouvons pas respirer, 20 ans pendant lesquels nous avons été contraints de souffrir et de vivre, bon gré mal gré, en supportant que des missiles et des roquettes tombent sur nos enfants, et cela afin d’éviter autant que possible de nuire aux civils innocents dans la bande de Gaza.
Nous ne pouvons pas respirer lorsque nous sommes exposés aux massacres du 7 octobre – des familles entières assassinées, exécutées à bout portant ou brûlées vives. Des familles entières éradiquées. Nous ne pouvons pas respirer lorsque nous découvrons des bébés et des tout-petits cachés pendant que leurs parents qui les protégeaient étaient assassinés.
Nous ne pouvons pas respirer lorsque nous voyons des images d’enfants et de personnes âgées cruellement emmenés captifs par une organisation terroriste. Nous ne pouvons pas respirer en regardant des vidéos que le Hamas lui-même a diffusées, de jeunes femmes battues, en sang et déshabillées sous les cris de joie de la foule de Gaza.
Nous ne pouvons pas respirer lorsque des journalistes du monde entier racontent ce qu’ils ont vu de leurs propres yeux : des têtes coupées et des corps profanés. Nous ne pouvons pas respirer quand, au cours d’un festival de musique pour la paix et l’amour, des jeunes gens ont été massacrés comme du menu gibier.
Et vous, membres de BLM, dans une doctrine déformée qui considère Israël comme une « suprématie blanche », restez indifférents. Vous voyez ces horribles images publiées partout et vous choisissez de détourner le regard. Vous préférez ignorer les horreurs perpétrées par le Hamas.
Alors permettez-moi de vous raconter quelque chose à propos d’Israël, où la plupart des Juifs sont des « brown », des personnes non-blanches venues des pays arabes et d’Afrique du Nord. Et avec eux des Juifs d’Éthiopie, qui sont noirs, au cas où vous l’auriez oublié.
Le « multiculturalisme » n’est pas un programme progressiste ou un slogan en Israël. C’est notre réalité. C’est une réalité par laquelle des Juifs persécutés dans leurs pays d’origine à travers le monde sont retournés sur leur terre ancestrale, où ils ont créé un foyer national libéral et démocratique.
La lutte ne se joue pas entre des « dirigeants blancs » et des « peuples autochtones opprimés ». Pas entre Noirs et Blancs. Ce n’est pas non plus une lutte entre Israéliens et Palestiniens. Cette lutte se joue entre le bien et le mal. Point. C’est une guerre contre l’un des groupes terroristes les plus dangereux et extrêmistes au monde.
Dans ses massacres, le Hamas, une organisation terroriste quasi-nazie, n’a fait aucune distinction entre les Juifs noirs, bruns ou blancs, il a assassiné des personnes de toutes les couleurs, uniquement parce qu’elles étaient juives.
Je suis née en Éthiopie. Je suis noire et mes compatriotes qui ont été assassinés sur le sol européen et conduits dans les chambres à gaz étaient blancs. Et ces Juifs qui ont survécu à la Shoah en Europe ont créé une alliance de fraternité et se sont tenus aux côtés de Martin Luther King et des Noirs dans leur lutte pour l’égalité des droits aux États-Unis dans les années soixante, à l’époque de la ségrégation raciale. Il n’est nul besoin d’être un lecteur ésotérique pour savoir ce que le Dr King, ce grand leader, aurait dit de votre doctrine, à vous BLM, contre les Juifs: vous avez complètement perdu votre boussole morale et votre capacité à vous tenir du bon côté de l’Histoire.
Les vies juives aussi sont importantes.
Traduit de l’anglais par Antoine Strobel-Dahan