Dans son célèbre livre Les bâtisseurs du temps, le rabbin Abraham Joshua Heschel affirme que le propre de la civilisation juive est une certaine architecture du temps qui transcende celle dans l’espace.
Le judaïsme, contrairement à certains empires qu’il a croisés et qui ont édifié de solides temples, pyramides ou mausolées, conçoit son édification dans la structure d’une temporalité sacrée, celle de shabbat ou de fêtes qui renouvellent à chaque génération une alliance ancestrale.
Pourtant, selon nos sages, un des noms de Dieu est Hamakom, « le lieu », qui suggère que l’Éternel est en lien avec l’espace. Il est donné de le convoquer dans la géographie, et pas simplement dans l’Histoire.
Comment comprendre ce paradoxe ? En entendant sans doute l’étymologie du nom makom. Le lieu, en hébreu, est d’abord ce qui est construit par le kom, c’est-à-dire « l’acte de se lever ». Un lieu véritable est toujours défini par la capacité humaine à s’y lever, à s’y verticaliser.
Ce numéro de Tenou’a explore à sa manière la force du makom, celle des lieux de mémoire, des lieux d’histoire. Chacun à sa manière dit la capacité ou l’incapacité de l’homme à se lever pour son prochain, la dignité des mentsch qui y ont vécu, ou la lâcheté de ceux qui ne se sont levés pour personne.
J’écris ces lignes à quelques jours de l’élection présidentielle. Vous les lirez quand les résultats seront connus. Et je ne peux m’empêcher de penser, en ces heures, au makom, au lieu politique où nous serons quand vous tiendrez ce Tenou’a entre vos mains. Puisse celui ou celle qui dirigera les destinées de notre pays avoir à cœur de chérir le souvenir de l’Histoire et les lieux qui abritent la mémoire.
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