Quel genre de rencontres fait-on en marchant ?
On fait toutes sortes de rencontres ! Que ce soit des rencontres amicales ou amoureuses… De nos jours, on remarque une grande difficulté à communiquer dans la vie réelle et nous avons été frappés par la solitude des gens. Parmi tous ceux qui nous rejoignent, beaucoup sont seuls, ou se sentent seuls, particulièrement des femmes. Or, lorsqu’on randonne en groupe, on peut communiquer très facilement.
Tioulim signifie « randonnées, excursions ». Pourquoi avez-vous créé cette association ?
Le but de la création de Tioulim était de faire des rencontres au sein de la communauté juive par le biais de séjours randonnée. Au départ, nous nous sommes dit qu’il n’existait pas d’associations de ce genre, qui permette, dans la communauté, de faire des séjours les plus abordables possibles, où les gens puissent se rencontrer. Nous avons créé l’association pendant le COVID, qui n’était bien sûr pas la meilleure période pour organiser des séjours, mais beaucoup de gens ont très vite adhéré au projet et on a pu organiser des week-ends de plus en plus nombreux. Nous avons rapidement vu le groupe se souder, avec une osmose et une envie de se revoir entre les séjours.
Au cours de nos séjours, nous allons aussi à la rencontre de communautés juives. Nous avons ainsi rendu visite aux communautés de Bayonne, Arcachon, Venise, Périgueux… Par le biais de tous ces voyages, les gens s’ouvrent les uns aux autres, ils discutent, ils parlent beaucoup plus qu’ils ne le feraient lors de soirées, par exemple.
On va plus facilement à la rencontre de l’autre en marchant dans la nature ?
Dans la nature, on oublie tout et on se parle, puisque, finalement, on n’a que ça à faire ! Et puis, on ne communique pas de la même façon, les sentiments ressortent plus, parce qu’on est loin de tout. On n’est pas perturbés par des bruits, des appels téléphoniques ou des préoccupations de la vie quotidienne : nous sommes tous ensemble et le contact se fait plus facilement. Les rapports avec la nature et avec les autres sont complètement modifiés.
Lorsqu’on rentre d’une journée de randonnée, l’esprit est revigoré par le contact avec la nature et avec les autres. Et c’est encore plus puissant lors d’un week-end ou d’un séjour de quelques jours. Nous organisons aussi des évènements, des soirées littéraires, des fêtes, mais c’est en randonnée que le groupe se soude vraiment.
C’est important de se rencontrer en randonnant au sein de la communauté juive ?
C’est très important. Je pense à une phrase que j’ai lue sur le mur d’une synagogue libérale dans laquelle nous avons organisé récemment un évènement. C’est la citation d’un rabbin qui disait ceci : « Les Juifs doivent se rassembler non pas parce qu’ils sont amis, ou même en accord, mais simplement parce qu’ils ont besoin les uns des autres pour continuer à être juifs ». C’est exactement la démarche que nous cherchons à avoir au travers de la randonnée. Chez les Juifs, il y a la notion de Minyan : la nécessité de prier dans un groupe d’au moins dix personnes. Le groupe rend la prière plus forte, plus intense. Il en est de même en randonnée : le groupe est important, il nous rend plus forts.
Nous avons une grande mixité, tant au niveau religieux que social et culturel, et on constate que toutes les différences s’effacent. Nous avons à peu près tous les niveaux de pratique religieuse, personne ne cherche à convaincre l’autre de quoi que ce soit mais tous se parlent et ce mélange crée la force de notre association. Des liens se nouent, des amitiés très fortes, parfois des histoires d’amour.
Et est-ce qu’on se rencontre soi-même en randonnant ?
Je ne sais pas si on se rencontre mais on se découvre, surtout quand les randonnées sont difficiles et qu’il faut fournir plus d’efforts. Lors d’une marche dans la nature, les gens doivent faire des efforts, il y a une nécessité d’entraide et cela crée des liens et génère une grande proximité. Je pense que ce genre de liens ne peut pas se créer en dehors de la nature. Les rencontres en randonnée, c’est l’opposé des réseaux sociaux !