Ce weekend, Delphine Horvilleur, notre directrice de la rédaction et rabbin préférée, recevra le Preis für Verständigung und Toleranz (Prix pour la Compréhension et la Tolérance) décerné par le Musée juif de Berlin. Une distinction qui fait plaisir mais, surtout, une reconnaissance de ce que signifie, aujourd’hui, porter haut une parole nuancée, complexe, empathique et d’apaisement, une voix qui suture un monde déchiré.
À l’heure où nos mondes sont bouleversés par la haine et la douleur, où l’antisémitisme et l’ostracisme s’affichent sous mille visages, désuets, feutrés ou revendicatifs, que signifient “compréhension et tolérance”? Dans ses livres, dans les colonnes de Tenoua, dans ses interventions publiques, Delphine interroge les fractures de nos sociétés et met en lumière ces zones grises que l’intolérance voudrait éliminer. Recevoir ce prix à Berlin, ville-mémoire des démons du XXᵉ siècle, ce n’est pas rien. C’est une invitation à s’emparer d’une histoire en cours d’écriture, souvent déboussolante et bégayante, une invitation à comprendre enfin que lutter contre le racisme et l’antisémitisme, c’est bien plus qu’une lutte de minorisés ou de Juifs, c’est un combat universel pour affirmer et libérer notre humanité commune.
Delphine recevra ce prix conjointement avec Margot Friedländer née Bendheim, qui n’avait pas 12 ans quand les nazis se sont emparés du pouvoir en Allemagne. Son père Artur, sa mère Auguste et son frère Ralph seront assassinés par les nazis. Margot se cache mais elle est arrêtée au printemps 1944 et internée à Theresienstadt. Elle rencontre Adolf Friedländer, ils se battent, survivent à la Shoah et partent vivre à New York. Après la mort de son mari, Margot commence à écrire et témoigner avant de décider, en 2010, de retourner vivre en Allemagne. Aujourd’hui, Margot a 103 ans et elle continue de témoigner plusieurs fois par semaine.
Avant Delphine et Margot, ce prix a récompensé notamment l’architecte Daniel Libeskind, la femme politique Madeleine Albright, l’écrivain David Grossman, le politicien Wolfgang Schäuble, l’ex-chancelière Angela Merkel ou encore notre si cher Imre Kertész.
Ce prix célèbre Delphine, et Margot, mais il ne célèbre pas une voix solitaire. Il reflète aussi le travail que Tenoua et bien d’autres s’acharnent à mener: ouvrir des espaces où la pensée et l’action résonnent, où l’on a le courage de penser, de se questionner plutôt que de prétendre répondre. En honorant Delphine ce week-end, c’est une philosophie, une manière d’habiter le monde et de le regarder avec tendresse et exigence, que le Musée juif de Berlin vient saluer.