MAUS TOMES I & II, LE PASSÉ PLANE SUR L’AVENIR
(ART SPIEGELMAN)

Bien sûr, on ne présente plus Maus, d’Art Spiegelman, le roman graphique qui fit entrer la Shoah par effraction dans le monde des comics dans les années quatre- vingt puis quatre-vingt-dix. Flammarion publie cette année un coffret splendide des deux volumes (Mon père saigne l’histoire et Et c’est là que mes ennuis ont commencé) accompagnés d’un livret de 16 pages contenant des planches inédites, Le passé plane sur l’avenir.
L’œuvre de Spiegelman, c’est ce récit zoomorphe croisé où l’on suit à la fois l’histoire de l’auteur américain lorsqu’il commence, dans les années soixante-dix, à interroger son père sur son passé, et le récit de ce père, justement, du milieu des années trente à la découverte des camps en 1945.

Il faut lire et relire Maus I et II, pour ce que ce roman apporte de lucidité sur l’indicible de l’Histoire en choisissant, précisément, de décaler le regard. Dans ce récit de près de trois cents planches, les Juifs sont des souris (Maus en allemand), les Allemands des chats, les Polonais des porcs et les Américains des chiens. On y croise aussi des poissons (anglais), des grenouilles (françaises), des élans (suédois) et quelques êtres hybrides, autant du moins que le permettait l’époque.

Mais il faut se plonger absolument dans le petit livret qui accompagne cette édition. Que sont seize pages de plus dans cette œuvre monumentale? Presque rien, et c’est ce presque qui change tout. Cela s’ouvre sur une petite lithographie bouleversante, Maman et moi… le parc, 1951 (La revanche de Maus). Ce presque rien permet à celui qui veut s’y perdre de saisir un peu de ce qui fit Maus, de sa genèse, de sa douleur, de ses fulgurances. « Je me bats encore avec des souvenirs houleux de mon père… alors, je souhaite que personne ne pense à moi avec les sentiments que j’ai pour lui », bredouille ensuite un Spiegelman anxieux dans un extrait de Breakdowns, portrait de l’artiste en jeune %@#*! On y croisera aussi les prémisses de Maus, en réalité Maus déjà, comic underground réalisé pour le magazine Funny Animals en 1972, et un glaçant arbre généalogique sinistrement vide, issu de l’édition augmentée et commentée MetaMaus, déjà chez Flammarion en 2012.

ASD

SIMONE VEIL L’AUBE À BIRKENAU
(RÉCIT RECUEILLI PAR DAVID TEBOUL)

« (…) J’ai décidé de réaliser un film pour la rencontrer. Après plusieurs courriers restés sans réponse de sa part, j’ai appelé sa secrétaire. La réponse a été définitive: « Mme Simone Veil ne souhaite pas participer à un film sur sa personne ». Je rappelai une dernière fois: « Je ne comprends pas pourquoi Mme Simone Veil ne veut même pas me rencontrer, ne donne pas une chance à ce désir de la voir et de l’entendre ». Simone Veil se saisit du téléphone: « Vous voulez vraiment me voir? Soyez demain matin à huit heures et demie à mon bureau. Je vous préviens, c’est non, je ne vous recevrai pas plus de dix minutes. Et soyez à l’heure, s’il vous plaît ! »

Dans ce livre fascinant, David Teboul recueille le récit de Simone Veil née Jacob sur son enfance, la déportation et l’impact de cette épreuve sur sa vie.
À lire dès maintenant et à retrouver dans le numéro hors-série Yom HaShoah de Tenou’a au printemps 2020.