Cocasses parfois, instructives toujours : les réactions des élèves de CM2 et de sixième lors des visites guidées de l’exposition « Enfants juifs à Paris, 1939-1945 » proposées par l’association L’enfant et la Shoah – Yad Layeled France.
Toutes les questions peuvent être posées, à tout moment, à condition de lever la main. L’intervenant, témoin de la Shoah, historien ou professeur décrit la vie des familles juives en France avant la Seconde Guerre mondiale, il met l’accent sur la rafle du Vel d’Hiv, la vie des enfants cachés et la figure des Justes parmi les Nations. Il aborde les lois d’exclusion et les interdictions auxquelles les familles juives ont dû faire face ainsi que la vie des orphelins de la Shoah après la guerre.
D’après leurs professeurs, les élèves ne sont jamais aussi attentifs que lors de ces échanges. Mais parfois se révèlent des situations cachées.
Récemment, alors que j’assurais dans une mairie parisienne, la visite guidée de notre exposition « Enfants juifs à Paris, 1939-1945 », un garçon, visiblement passionné par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, me dit en pointant du doigt un élève, « Vous savez, lui, il est juif ». Surprise, je réponds : « Et alors ? Toi aussi ? Peut-être que moi aussi ? ». L’enfant rit, je suis décontenancée. L’enseignante me dit en aparté que ces deux élèves sont excellents amis. Pour elle, ce qui vient d’arriver est une bonne chose, l’exposition aura permis à l’un de dire à l’autre qu’il est juif. La séance se termine, la classe repart avec ses accompagnateurs dont la mère de l’enfant cultivé. Elle me remercie car elle a appris beaucoup de choses. Je la félicite d’avoir un enfant si érudit. Elle porte un foulard sur la tête.
En écho à cet échange, je demande quelques jours plus tard à une élève d’un collège qui accueille notre exposition s’il y a des enfants juifs dans sa classe. Elle ne sait pas : « L’école est laïque, dit-elle, on ne parle pas de religion ». « Ce qui est sûr, ajoute-t-elle, c’est que “Juif”, c’est une insulte ».
Autres paroles entendues à l’issue du témoignage d’un enfant caché. Les élèves demandent : « Madame, avez-vous déjà rencontré Hitler ? », « Avez-vous connu Anne Frank ? », « Qu’avaient fait les Juifs pour qu’on veuille les tuer ? ».
Une autre fois, à une classe de CM2 à qui je demande : « Savez-vous comment on appelle la tentative de destruction d’un peuple ? », un doigt se lève : « La polygamie ! ». Cette même classe répond correctement à la question « Qu’est-ce que le judaïsme ? ». En revanche, si je demande « Où prient les Juifs ? », aucun ne sait répondre.
Parfois, les séances témoignent de la difficulté de faire comprendre le caractère discriminatoire de certaines lois. Ainsi, lorsque je demande aux élèves : « Pourquoi les enfants juifs portent-ils une étoile à partir de 1942 ? », j’obtiens une réponse sans affect : « Parce qu’ils sont juifs ». À la séance suivante, je demande : « Si je vous dis : tous ceux d’entre vous qui portent un vêtement à capuche n’ont plus le droit d’aller à la piscine, ni à la bibliothèque, ni en colonie de vacances. Si je décrète qu’ils n’ont plus le droit d’entrer dans les jardins publics et sont obligés de voyager dans le dernier wagon du métro, vous en pensez quoi ? » Là, les élèves s’indignent : « C’est pas juste ! ». En pédagogie, il faut parfois emprunter des chemins de traverse…
Créée en 1997, avec le souci de répondre à la question « Comment parler de la Shoah aux enfants ? », l’association L’ENFANT ET LA SHOAH a pour objectif de faciliter l’enseignement de l’histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale en proposant des ressources pédagogiques permettant un travail transversal avec les élèves.
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