Ma langue arabe est muette
Étouffée dans la gorge
Qui se maudit elle-même
Sans dire mot
Qui dort dans les refuges étouffants de mon âme
Se cache
De ses semblables
Derrière des persiennes d’hébreu.
Et mon hébreu gronde
Qui court entre les salons et les balcons des voisins
Qui se fait entendre en public
Prophétisant la venue de Dieu
Et des bulldozers
Et puis qui se terre dans le salon
Se pense
Révélé révélé à l’orée de sa peau
Protégé protégé entre les pages de sa chair
Un instant nu et un instant vêtu
Qui se blottit dans le fauteuil
Et implore le pardon de son cœur.
Mon arabe est inquiet
Qui discrètement joue à l’hébreu
Et murmure aux amis
À quiconque frappe à sa porte
“Ahalan, Ahalan (Bienvenue)”.
Qui devant chaque agent croisé dans la rue
Sort sa carte d’identité
Et pointe la clause protectrice:
“Ana min al yahud, ana min al yahud (Je suis un juif)”.
Et mon hébreu est sourd,
Sourd vraiment, parfois.
ערבית שלי אילמת
חנוקה מן הגרון
מקללת את עצמה
בלי להוציא מילה
יֵ ֵש ָנה באוויר המחניק של מקל ֵטי נפ ִשי
מסתתרת
מבני-המשפחה
.מאחורי תריסי העברית
והעברית שלי גועשת
מתרוצצת בין החדרים ומרפסות השכנים
משמיעה קולה ַברבים
מנבאת בואם של אלוהים
ודחפורים
ואז מתכנסת בסלון
חושבת את עצמה
ְגלוּי ׂות ְגלוּי ׂות על שפת עורה
כסוּי ׂות כסויות בין דפי בשרה
רגע עירומה ורגע לבושה
היא מצטמצמת בכורסא
.מבקשת את סליחת לבה
הערבית שלי פוחדת
מתחזה בשקט לעברית
ולוחשת ְלחברים
עם כל דפיקה בשעריה:
“אהלן אהלן”.
ומול כל שוטר עובר ַברחוב
שולפת תעודת זהות
מצביעה על הסעיף המגונן:
.“אנא ִמן אל-ִיהוּד, אנא ִמן אל-ִיהוּד”
והעברית שלי חירשת
.לפעמים חירשת מאוד
Ce poème d’Almog Behar est extrait du recueil אותו והעתק הזה השיר את קח ,Prends ce poème et copie- le, publié en ligne en 2017. Almog Behar est à l’image de la créativité et de la complexité d’Israël aujourd’hui. Dans ses textes, il interroge l’identité des Juifs arabes en Israël et celle des Palestiniens. Inattendu, il peut aussi bien se sentir une communauté de destin avec les révolutions arabes ou appeler au dialogue intrarégional au Proche- Orient, que prendre la défense des ultraorthodoxes dans leur refus de conscription en ironisant sur l’appel du gouvernement à « partager le fardeau » en ces termes : « Nous réclamons au gouvernement un réel partage équitable du fardeau: le fardeau de la pauvreté, le fardeau de la périphérie et le fardeau de la distribution inégale des terres dans les villes de développement, les villes arabes et les conseils régionaux ; le fardeau des options économiques et scolaires limitées et limitantes ; et le fardeau du racisme, de la haine de l’autre et des stéréotypes. » Si Almog Behar est créatif dans sa littérature, il l’est aussi dans la diffusion de ce qu’il écrit : il publie en ligne, et invite les lecteurs à s’emparer de ses textes, à les traduire, les torturer, les embellir, les imprimer, les partager.
Pour découvrir le travail d’Almog Behar : almogbehar.wordpress.com