Devant tant d’horreur, certains artistes ne peuvent plus créer, d’autres comme vous, ne peuvent cesser de créer. Pourquoi peignez-vous depuis le 7 octobre ?
S’il est vrai que j’ai créé de nouvelles œuvres depuis le 7 octobre, nombreuses sont celles que je poste et qui ne sont pas nouvelles. Dans la mesure où je peins mon enfance au kibboutz, beaucoup de mes toiles résonnent avec cette terrible et nouvelle réalité. Mes toiles inspirées par cette guerre montrent les récits qui m’affectent le plus, des images qui m’empêchent de dormir – la plupart concernent des enfants.
Certaines de vos œuvres bouleversent autant si ce n’est plus que des images pourtant terriblement explicites que nous avons vu, comment l’expliquez-vous ?
Je crois que l’art ne devrait pas être le reflet de ce qu’on voit, mais de ce qu’on ressent – on voit bien assez d’images dramatiques par ailleurs. J’essaye de me saisir d’un ressenti et de créer autour de ça. Ainsi, l’œuvre Erez (ci-dessus) montre un jeune garçon de 12 ans kidnappé par deux terroristes du Hamas. Ils l’ont arraché à sa maison dans le kibboutz Nir Oz, et je tente d’imaginer la terreur et l’impuissance qu’il a dû ressentir. J’ai pensé en le faisant à un tableau de la merveilleuse artiste Marlene Dumas, “L’homme aux yeux bandés” pour montrer, en peignant un bandeau sur son petit visage, la terreur de ce jeune enfant. Mais je n’ai pas cherché à montrer ses ravisseurs. Je laisse les détails à l’extérieur du cadre en ce qu’ils représentent la terreur de ce jeune enfant.
L’œuvre qui s’intitule אין מגן דוד Il n’y a pas de Magen David (ci-dessous) tentent de représenter le ressenti plus que le symbolique. Ce que je ressens, c’est que tant de gens se sont sentis abandonnés et en danger réellement mortel, des heures durant, sans personne pour les secourir.
Beaucoup de vos travaux récents parlent des otages qui sont toujours retenus à Gaza. Peignez-vous en pensant à eux ?
J’utilise des peintures d’enfants que j’ai réalisées depuis des années, depuis que j’ai commencé à traiter de mes souvenirs d’enfance. Certaines nouvelles toiles reflètent la situation actuelle et celles-ci, je les peins quand j’ai le visage de ces enfants en tête. On m’a demandé récemment de peindre de jeunes enfants, un frère et une sœur, aujourd’hui adultes. Cette demande m’a été faite par une dame, la sœur en question, qui a perdu son frère et toute sa famille le 7 octobre, et elle veut que je les peigne, tous les deux, quand ils étaient enfants. Moi, je vais faire de mon mieux pour faire vivre ce lien.
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