Sarah Ohayon: Capturer l’instant présent

De Paris à Tel-Aviv, en passant par New-York ou Bangkok, Sarah Ohayon capture des moments de vie, ceux qui nous échappent mais qui apparaissent à son objectif comme une évidence. Dans son exposition “Mouvements II”, installée à l’Hôtel des Académies et des Arts à Paris, elle nous partage l’histoire des quotidiens qu’elle a figés. Une exposition à découvrir jusqu’au 21 novembre. 

 

© Sarah Ohayon

À 32 ans, Sarah Ohayon a déjà parcouru une grande partie du globe. À l’aide de son iPhone dernier cri ou de son argentique Canon AE-1 – “un appareil classique, l’appareil de tout le monde” – qu’elle a trouvé par hasard dans une malle recouverte de velours, Sarah Ohayon s’amuse à capturer des moments de vie. Ceux que nous ne voyons pas, que nous ne percevons pas. Mais qui racontent pourtant une histoire. “Mes amis me disent parfois qu’ils ont l’impression de ne pas vivre dans la même ville que moi”, m’explique-t-elle. Comment s’emparer de cet instant où deux sœurs jumelles se déplacent de manière parfaitement symétrique? Tant est si bien qu’on se demande où est le trucage? 

© Sarah Ohayon

J’aime brouiller les pistes”, me dit-elle dans cette pièce de l’hôtel où des photos de New-York et de Bangkok sont disposées les unes à côté des autres. Toutes auraient pu être prises au même endroit. Là est l’erreur. “J’aime qu’on ne parvienne pas à reconnaître les lieux et temporalités des photos”. C’est le cas de cette photo, accrochée sur l’un des murs de l’hôtel: “Nowbima”. On y voit un homme et une femme de profil, devant un ciel bleu et froid. “La teinte froide de cette photo pourrait faire penser qu’elle a été prise dans les années soixante-dix au Japon. Non, elle a bien été prise cette année”, me dit-elle en me proposant de rapprocher mon œil du détail de la photo. “Tu vois les rubans sur ces bâches, ce sont les rubans qui rappellent les otages. Cette photo a été prise cette année à Tel-Aviv”. 

© Sarah Ohayon

D’ailleurs, Tel-Aviv tient une place de premier plan dans cette deuxième exposition parisienne de l’artiste. Française établie en Israël, pour Sarah Ohayon, Tel-Aviv est le principal décor de ses photos. Ceux qui connaissent cette ville reconnaîtront en un instant les lieux capturés par l’appareil de Sarah Ohayon. “Souvent, on me dit, si tu sais ce que c’est, tu sais où c’est”, désignant les fameuses chaises oranges des plages de Tel-Aviv. 

© Sarah Ohayon

Cette reconnaissance instinctive se fait à d’autres endroits. Comme par exemple cette photo, accrochée à l’abri des regards dans l’un des creux du café de l’hôtel. On y voit dans le reflet, des lettres. Pour certains, la phrase est indéchiffrable. Pour d’autres, elle apparaît comme une évidence. “Bring them home” se dessine sous les yeux, ce slogan devenu tristement gravé dans nos esprits si bien que notre regard en reconnaît les moindres contours, mêmes lorsqu’ils sont flous.

© Sarah Ohayon

Que veut donc raconter l’artiste lorsqu’elle prend ses photos? “Je n’ai pas envie de prendre des photos pour raconter une histoire que j’imagine. L’histoire se construit une fois que la photo existe. Je ne retouche rien, je prends les photos comme elles sont”. Une quête du réel voire d’une vérité, s’inscrit dans le travail de Sarah Ohayon. Comme s’il ne fallait pas trahir l’instant ni les individus dont les corps et les intentions sont montrés tels quels. Comme cette femme [en haut de l’article], sur la plage de Tel-Aviv, telle Marilyn Monroe, debout, face au soleil, qui décide que rien ne viendra perturber son bronzage. Cette photo raconte la liberté, celle d’une femme dont on ne connaît pas l’âge, que l’on peut tenter de deviner. Une femme libre dans un monde où il est parfois si difficile de se détacher des diktats, où les apparences prennent toujours trop d’importance. 

Où? À l’Hôtel des Académies et des Arts, 15 rue de la Grande Chaumière, Paris 6e
Quand? Jusqu’au 21 novembre 2024. Entrée libre et gratuite tous les jours de 10h à 19h.

  • Robert Zaretsky

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