C’est drôle comme va le cycle du progrès.
Quand nous avons laissé la main à la nouvelle dream team de Tenou’a, nous sommes devenus les sages de l’association, et nos amitiés sont restées. Notre passion pour cette aventure est restée intacte, et nous avons été associés à toutes ses étapes clefs.
Pendant 20 ans, à mesure que la société continuait sa folle digitalisation, Tenou’a suivait le cours de ce que nous appelions le progrès.
Je crois pouvoir dire que nous avions créé le premier beth midrash du métavers. À chaque atelier, nous créions des lieux incroyables, inspirés par les grandes yeshivot de l’histoire du monde juif. Nous nous retrouvions à quelques centaines, parfois quelques milliers, pour travailler les textes dans des environnements, des pays, des lieux qui correspondaient aux grands penseurs qui avaient fait changer l’interprétation de ces textes. Lors de certains ateliers, nous allions d’une yeshiva à l’autre, passant de Lublin à Jérusalem, du Moyen Âge au xxie siècle pour vivre en direct ce choc des temps, cette confrontation des interprétations si particulière à notre tradition.
Dans ce même temps nous avons assisté avec satisfaction à ce qui paraissait impossible auparavant, un rapprochement respectueux des différentes tendances du judaïsme et Tenou’a s’est affirmé comme le moteur de ce mouvement.
Le journal, lui, s’est calé sur la pointe du progrès technologique. Nous avons conclu un accord avec Googlemind, et ses puces électroniques cérébrales, qui donnait un accès immédiat à tous nos articles, toutes nos vidéos de cours en ligne, nos recettes de cuisine, nos podcasts à la lueur de la pensée, sans passer par les écrans, ni les lunettes digitales qui avait eu un certain succès pendant une décennie.
La grande révolution engagée par la génération de nos petits-enfants a questionné l’ère du tout digital. Elle s’est appelée « come back to life », et a mis en doute l’ultra-transparence des réseaux sociaux, et la disparition totale de l’intimité, des jardins secrets, tous deux si fondamentaux à l’existence. Elle a combattu la fin de l’ère des conversations réelles, remplacées exclusivement par les conversations sur les réseaux sociaux. Plus de vraie conversation familiale, plus de conversation amicale. Plus de débat d’idées en réel. Peut-être une suite de l’ère Covid, et des dangers médicaux de ce que l’on a appelé le « présentiel », ce mot épouvantable qui a mis au même niveau les relations physiques et digitalisées. Cette génération a lutté pour retrouver le plaisir de se retrouver, de se parler, de dîner ensemble, plaisir qu’elle ne connaissait pas mais dont elle avait entendu parler…
Et Tenou’a, toujours à l’avant-garde des évolutions de la société, s’est transformé à nouveau. Je ne dirais pas que nous sommes revenus à des fonctionnements du passé, mais la nouvelle dream team a eu ce talent de retrouver ce qui était fondamental pour nos amis, nos lecteurs, notre audience.
Nous avons repris l’atelier, notre beth midrash, dans une très belle salle à Paris dans laquelle nous pouvons nous retrouver pour travailler en personne et renouer avec l’exercice de la havrouta, tout en donnant la possibilité à nos étudiants à New York, à Bruxelles ou à Tel Aviv de participer à ces échanges, avec les écrans 3D dont le son et l’image donnent désormais un incroyable confort de travail et d’écoute. Nos antennes internationales font de même, et chaque semaine, l’atelier est en « live » dans un autre endroit du monde, et accueille en digital les autres étudiants.
Googlemind a été interdit, évidemment. Et la revue a muté de nouveau, apprenant de ses succès et de ses errances. Nous avons construit une plateforme d’échanges d’idées, un réseau social international pour agiter les pensées juives et dans lequel l’anonymat est interdit, et qui met à l’honneur la création, l’interprétation, une vision iconoclaste, ouverte, amusante de nos traditions.
Nous avons fait évoluer le support de la revue, grâce aux fabuleuses technologies disponibles, régulées à la suite de la révolution. Elle permet aujourd’hui d’avoir des contenus au quotidien, écrits, vidéo, musicaux, artistiques, envoyés sur ce que sont devenus nos mobiles, tout en permettant de converser en temps réel avec les créateurs de ces contenus. Une nouvelle façon d’agiter nos pensées…
Le papier a disparu de la revue, afin de préserver les arbres de notre planète. En revanche, le livre est réapparu, avec un tout nouveau support issu du recyclage, et les librairies ont rouvert, à l’immense plaisir d’une nouvelle génération de lecteurs.
Deux fois par an, nous éditons un livre, un vrai, avec les meilleurs échanges entre nos contributeurs et nos lecteurs, nos étudiants.
C’est fou comme ces ouvrages sont passionnément appréciés. Et c’est vrai, qu’en tant que sages, nous observons cette évolution et nous en sommes très heureux…