“Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. ”
Churchill
Depuis 1989, le Comité français pour Yad Vashem développe des actions en soutien à l’Institut Yad Vashem de Jérusalem et œuvre pour la reconnaissance des Justes parmi les Nations français. Il a créé, il y a une dizaine d’années, une structure originale, qui s’appuie sur les élus de la République, pour tenter de répondre à l’effacement par le temps : « Que reste-t-il de la mémoire d’une guerre quand ceux qui l’ont vécue disparaissent ? ».
À l’automne 2010, Paul Schaffer alors président du Comité français pour Yad Vashem et Thierry Vinçon, maire de Saint-Amand-Montrond, imaginent et créent, au sein du Comité français pour Yad Vashem, « le Réseau des villes et villages des Justes de France ».
Tous deux partagent la même vision : la nécessité de transmettre la mémoire de la Shoah alors que les témoins disparaissent peu à peu et de perpétuer le souvenir de ces femmes et de ces hommes reconnus par l’Institut de Yad Vashem et honorés de la médaille de Justes parmi les Nations, la plus haute distinction civile de l’État d’Israël, pour avoir, dans leurs communes, refusé la collaboration et pris le risque, au péril de leur vie et de celle des leurs, de s’opposer à la barbarie nazie en protégeant et en sauvant des Juifs persécutés. Thierry Vinçon dira : « Nous avons ensemble ressenti le besoin de créer une structure qui dépasse la vie des derniers témoins et survivants de la Shoah ».
Les communes qui adhérent à ce réseau affirment ainsi leur engagement, leur volonté de refuser et de combattre toutes les expressions d’ostracisme, de racisme et d’antisémitisme. L’histoire de ces héros discrets que furent les Justes est un patrimoine précieux à transmettre, c’est celui des valeurs de courage, d’humanité et de fraternité qu’ils ont incarnées et qui forment le socle de notre société démocratique.
Déjà quatre cent trente-neuf lieux de mémoire en hommage à des Justes parmi les Nations (noms de rues, plaques, stèles, jardins, …), lieux de souvenir qui rappellent une page d’histoire et invitent à la réflexion, ont été créés. Aujourd’hui ce sont cent trente-six communes, des plus grandes, telles que Paris, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Nice… aux plus petites, qui ont rejoint notre réseau.
« À l’exemple des Justes, je veux croire que la force morale et la conscience individuelle peuvent l’emporter », déclarait Simone Veil à l’ONU en 2007. L’exemplarité des Justes doit plus que jamais nous guider. La tâche des élus est immense car il leur faut, dans nos temps troublés, à nouveau affronter la violence meurtrière, la haine, l’obscurantisme, les falsifications de l’histoire. Il leur revient de favoriser les synergies entre les acteurs locaux, les enseignants, les associations de résistants, les associations locales d’histoire, et de soutenir toutes les initiatives pour que des actions mémorielles, éducatives, culturelles soient proposées en particulier aux jeunes générations, pour contrer les idéologies mortifères. Le Comité français soutient les initiatives locales, s’associe aux commémorations, participe à des ouvrages historiques régionaux relatifs aux Justes et à la Shoah, développe des outils numériques, propose aux enseignants des séminaires de formation à l’École Internationale de Yad Vashem à Jérusalem. Encourager et accompagner ce réseau, maillage de la mémoire, pour lutter contre l’obscurantisme, l’ignorance et l’intolérance est l’un des objectifs essentiels du Comité français et de ses délégués régionaux.
Primo Levi prophétisait, parlant alors de son pays : « Il se peut qu’un nouveau fascisme, avec son cortège d’intolérance, d’abus et de servitude, naisse hors de notre pays et y soit importé… ou qu’il se déchaîne de l’intérieur avec une violence capable de renverser toutes les barrières. Alors les conseils de sagesse ne servent plus, et il faut trouver la force de résister ; le souvenir de ce qui s’est passé au cœur de l’Europe peut être une aide et un avertissement ».
Cet avertissement nous concerne tous. Résister et apprendre aux jeunes à résister est nécessaire aujourd’hui si nous voulons continuer à vivre dans un monde libre.