L’édito de la rédaction
C’est le genre de sujets qui grattent même une équipe aussi soudée que celle de Tenou’a, c’est le genre de sujets qui créent le débat dans les familles, les fâcheries entre amis et la polémique en politique. C’est le sujet du genre.
À distinguer du sexe qui recouvre des caractéristiques biologiques, le genre fait plutôt référence à une perception (certains diraient « une construction ») sociale. Pour faire simple, le sexe serait ce avec quoi on naît, le genre ce qu’« on devient ». Souvent, ces deux-là coïncident. Mais parfois c’est moins évident.
Dans ce numéro forcément unique en son genre, nous verrons comment le judaïsme, qui a tant à cœur de catégoriser et séparer a aussi besoin d’une dialectique complexe entre le un et le deux, comme le montre Delphine Horvilleur. Hannah Ruimy raconte comment la tradition permet enfin aux femmes de passer de « femme de » à leader. Et Noémie Issan-Benchimol éclaire quelques malentendus entre théories du genre et littérature rabbinique.
Avec le psychiatre Serge Hefez, nous abordons le débat du moment, sur la dysphorie de genre – le fait de se sentir mal dans son genre – et levons, là aussi, bien des malentendus, tandis que Sébastien Lifshitz nous parle de son film, Petite fille, qui suit le parcours de Sasha à travers sa transition. Avec Gabriel Abensour, nous partons à la découverte de l’émouvant poème d’un rabbin provençal du xive siècle qui rêvait d’être une femme. Et Anna Klarsfeld nous entraîne dans le monde succulent des drag queens juives.
Pour faire face aux enjeux que dévoile notre temps, Amanda Sthers revient sur son Vieux juif blonde quand Laurent Sagalovitsch s’interroge sur ce brouillage des genres auquel il n’entend rien et Brigitte Sion explore la porosité des prénoms en Israël. La psychanalyste Judith Toledano-Weinberg nous interroge enfin sur les contreparties d’une telle fin des assignations sociales.
À la fin de ce numéro, prolongeons un peu le précédent par une série de rencontres. Celle d’abord entre les philosophes Danielle Cohen-Levinas et Stéphane Habib autour du récent livre d’entretiens de Jean-Luc Nancy, La haine des Juifs. Celles de notre amie Julia Lasry avec l’actualité des réseaux. Celles que nous vous souhaitons avec quelques bonnes nouvelles littéraires de cette rentrée. Celle encore de quatre jeunes filles talentueuses et bigrement intelligentes qui donne naissance au roman graphique (une nuit). Celle enfin de notre amoureuse des livres, Fanny Arama avec Alexis Weinberg autour de son premier roman, Le Détour.
Lecteurs de tous genres, amis uniques chacun en votre genre, toute la rédaction de Tenou’a vous souhaite une belle rentrée et une merveilleuse année 5783.
Shana tova !
שנה טובה