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Ā« Encore vraiment juste un instant Ā», la lettre bouleversante d’un artiste israĆ©lien du kibboutz Be’eri
PubliƩ le 13 octobre 2023

2 min de lecture

Ā© Haran Kislev, Ā« Courage. I’m on Wood Ā», 2022, Oil on Wood – Zemack Contemporary Art, Tel Aviv

Haran Kislev est un artiste que nos lecteurs ont dĆ©jĆ  croisĆ© dans les pages de Tenou’a. Il est aussi un habitant du kibboutz Be’eri si violemment attaquĆ© par les terroristes du Hamas samedi dernier. Haran, sa femme et ses enfants (7 et 10 ans, tous deux natifs de Be’eri, comme lui) sont parvenus Ć  se terrer chez eux durant l’attaque, pendant des heures interminables, et Ć  Ć©chapper Ć  cette mort qui frappait littĆ©ralement Ć  leur porte.
Dans une lettre envoyĆ©e Ć  sa galerie, la galerie Zemack, il dĆ©crit l’effroi de cet inimaginable. L’équipe de Zemack et Haran nous ont permis de partager avec vous ce texte en le traduisant en franƧais.

Ma galerie adorƩe,

Depuis des annĆ©es, je suis un artiste qui peint l’essence de la peur. Je peins mon environnement : Gaza, Ć  seulement quelques centaines de mĆØtres, son camp de rĆ©fugiĆ©s, et la route entre eux et nous, imprĆ©gnĆ©e de l’anxiĆ©tĆ© omniprĆ©sente qui plane sur nos vies.

Cet environnement hante mon esprit depuis des annĆ©es, ne m’offrant guĆØre de rĆ©pit. Quelque chose vous saisit lorsque vous choisissez de peindre la peur : une capitulation momentanĆ©e, une libĆ©ration de l’obscuritĆ© qui rĆ©side dans les pensĆ©es et l’imagination. C’est comme si, en laissant un peu s’exprimer cette peur, un petit rayon de lumiĆØre pouvait se frayer un chemin vers l’intĆ©rieur.

Mais ce rĆ©pit est Ć©phĆ©mĆØre et totalement conscient. Une fois que la peinture est terminĆ©e, qu’elle exprime pleinement la profondeur de mon angoisse, cela cesse, je peux retourner Ć  ma maison, Ć  mes enfants, Ć  ma famille, et alors c’est comme si tout allait bien, comme si tout Ć©tait Ć  nouveau en ordre, comme un tout protĆ©gĆ©.

Puis, un samedi, le dernier, tout s’est effondrĆ©. En un instant, j’ai rĆ©alisĆ© Ć  quel point mon imagination Ć©tait faible encore, que mĆŖme si je peins comme si je Ā« savais imaginer Ā», je n’étais vraiment pas allĆ© assez loin dans les profondeurs de l’inimaginable. La rĆ©alitĆ© est soudain venue m’enseigner une sĆ©vĆØre leƧon : qui aurait pu s’imaginer suppliant ses enfants de ne pas faire de bruit, de ne pas bouger, tandis que des coups de feu Ć©taient tirĆ©s tout autour de nous ? qui aurait pu imaginer qu’à chaque seconde se jouaient la vie ou la mort, dĆ©pendant du moindre son, du moindre mouvement ?

Les terroristes frappaient dĆ©jĆ  Ć  ma porte et je rĆ©alisais que c’était Ƨa : encore une minute, vraiment vraiment juste une minute et nous Ā« partirions Ā» avec les enfants, encore un instant, vraiment vraiment juste un instant et, avec les enfants, nous…

*… je ne peux pas finir cette phrase, parce que je me disloque. Parce que si je finis cette phrase, alors cette rĆ©alitĆ© resurgira peut‐​être dans la piĆØce et je n’aurais peut‐​être pas la force cette fois de retenir la porte et alors ils entreront. 

Je vous aime tellement ā¤ļø

Haran