
Nom : Yishay Hadaya
Âge : 34 ans (il y a quelques jours !)
Profession : Actuellement père à plein temps et ingénieur en infrastructure.
Depuis quand es-tu à Paris ?
Je suis arrivé le 9 août 2024 avec ma compagne qui est française et notre fils.
Pourquoi êtes-vous venus à Paris ?
Nous sommes venus pour une année d’essai. Ma compagne est parisienne et, après une année passée en Israël, nous avons décidé de nous installer un an à Paris. Pour moi, c’était par curiosité : vivre ailleurs qu’en Israël, apprendre la langue, me connecter à sa famille. Et en bonus – très réussi – cela nous a permis de faire taire tout le bruit ambiant en Israël et de nous concentrer sur notre couple.
À quoi ressemble ta vie ici aujourd’hui – langue, travail, routine, communauté… ?
Travail : J’ai cherché longtemps, sans avoir le moindre retour de la part d’aucune entreprise d’ingénierie. Très frustrant, surtout que je suis un professionnel expérimenté dans un domaine qui est toujours en recherche d’employés.
Langue : Il y a des périodes où j’investis plus, d’autres moins. Je vois les progrès, mais ils dépendent vraiment de l’effort fourni.
Communauté : Petit à petit, je construis de nouvelles amitiés. Rien à voir avec celles que j’ai développées en Israël mais je trouve des espaces, des îlots de rencontres et de discussions. J’essaie aussi de maintenir des liens avec mes amis en Israël ou ailleurs grâce à des appels réguliers.
Routine : La routine la plus installée est celle d’être père. C’est un cadre très strict, dont je n’ai pas envie de sortir – qui est, sans doute, très contraignant. Mon fils va parfois à la crèche, j’essaie alors d’occuper ce temps libre avec des cours de français en présentiel, l’organisation de la maison, ma recherche d’emploi, et, bien sûr… un peu de scrolling sur les réseaux sociaux.
Tout recommencer à zéro, comment c’est ?
C’est comme redevenir un petit enfant. Apprendre plein de choses qui peuvent sembler triviales, comme : comment aller au supermarché depuis la maison ou comment déterminer le chemin le plus court pour rejoindre le métro. Petit à petit, on s’habitue au lieu, à la langue, aux gens.
Qu’as-tu apporté avec toi d'Israël en France ?
Lors de ma première visite en Israël (depuis notre installation parisienne), j’ai rapporté ma visseuse. Quand je suis arrivé ici et qu’il fallait réparer de petites choses dans l’appartement, je me suis soudain senti impuissant sans mes outils. La visseuse, ce n’est pas toute ma boîte à outils mais elle me donne l’impression que je n’ai pas tout perdu.
Qu’est-ce qui te manque ici ? Et qu’as-tu découvert ici que tu n’avais pas en Israël ?
Il y a beaucoup de choses différentes ici que je n’ai pas. Mais surtout, c’est la capacité à parler avec n’importe qui dans la rue. À démarrer une conversation de rien et à en ressortir avec quelque chose. Et bien sûr… une bonne « houmoussiya” (restaurant qui sert des assiettes de houmous).
Ce que j’ai ici : ma situation me permet surtout d’observer. De voir les interactions des gens dans la rue, sans comprendre leurs mots – juste à partir de leurs gestes et de leur ton. De voir l’amour d’un couple, l’inquiétude d’une mère et, parfois, des parents frustrés. Je peux aussi et surtout : manger une baguette chaude tout juste sortie du four, peu importe l’heure à laquelle j’arrive à la boulangerie.
Comment gères-tu le fait de vivre entre deux mondes – une vie ici relativement calme, la vie de ta famille et de tes amis en Israël qui traversent la guerre?
En général, ça ne me touche pas trop. Je me dis qu’ils vivent eux aussi une vie normale. Mais, pendant cette semaine de guerre entre l’Iran et Israël, j’étais scotché à mon téléphone, je n’ai rien pu faire d’autre de la journée. J’en ai même fait une éruption cutanée sur les mains. À cause du stress.
Qu’est-ce qui te donne de la force ou de l’espoir dans cette période difficile ?
Je ne pense pas que ce soit une période difficile. Mon fils me donne beaucoup de force et d’espoir, en général. Pour moi, c’est juste une période – mais pas une période difficile.
Tu as décidé de rentrer vivre en Israël, pourquoi ? Et où comptes-tu vivre ?
Dès le départ, le déménagement ici était un essai. La raison pour laquelle on part est le fait que je ne trouve pas de travail ici, et le froid qui mine notre joie de vivre. Voir mon fils s’épanouir quand on est en Israël, c’est l’un des arguments les plus convaincants pour y retourner.
Y a-t-il quelque chose que tu voudrais dire aux gens en Israël / en France, qui ne savent pas ce que vit un "étranger" ?
À ceux avec qui j’ai déjà tissé un lien : comprenez qu’un étranger est vraiment seul. Chaque petite relation emplit sa vie. Il m’est arrivé de me nouer des liens avec des gens ici – pour eux, j’étais juste un inconnu en plus. Et je le comprends. Pour moi, ils étaient tout un monde.
As-tu adopté de nouvelles habitudes en vivant à Paris ?
Je me déplace toujours avec un sac. Il m’a fallu du temps pour m’y habituer, pour comprendre que si je passe au supermarché sur le chemin du retour, je ne saurai pas où mettre les courses. Le sac est devenu une extension de moi‐même. J’en ai vraiment pris conscience le jour où mon fils m’a dit de ne pas oublier mon sac alors que j’étais sur le point de sortir sans.
Quelles langues parlez-vous à la maison ?
Avec mon fils je parle en hébreu ; ma compagne lui parle en français, et entre nous, nous parlons en anglais.