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Israéliens à Paris : Li Shemesh, quand la cuisine du Moyen‐​Orient se mêle à la cuisine française

Gali Eytan, photographe israélienne, a rencontré Li Shemesh, une israélienne de 26 ans, arrivée à Paris avant le 7 octobre 2023 pour suivre une formation à l’école Ferrandi. Après avoir décidé de prolonger son séjour, elle a rejoint l’équipe du restaurant étoilé Shabour en tant que cheffe pâtissière. Comme beaucoup d’Israéliens vivant en France, elle a le sentiment d’habiter deux mondes, la réalité israélienne de ses proches – en guerre – et sa routine parisienne.

Publié le 22 juillet 2025

4 min de lecture

© Gali Eytan

Nom : Li Shemesh

Âge : 26 ans
Profession : Cheffe pâtissière au restaurant Shabour
Origine : Moshav Rishpon 

À Paris depuis : avril 2022


Avec qui es-tu venue à Paris ?
Je suis venue seule. Je voulais évoluer dans la pâtisserie et j’ai découvert un programme de l’école Ferrandi qui me convenait. J’ai donc déménagé à Paris pour suivre une formation de quatre mois… et je suis restée un peu plus.

Tu parles français ?
Je n’ai pas appris le français… À chaque fois, je commence à prendre des cours puis j’arrête. Je ne parle pas vraiment, mais je comprends presque tout. J’ai appris à l’oreille.

Est-ce possible de s’en sortir ici avec un peu de français et beaucoup d’anglais ?

On peut bien s’en sortir dans cette ville juste en parlant anglais. Mais il faut apprendre à ne pas avoir honte de dire qu’on ne comprend pas et demander à ce qu’on nous parle en anglais. Il y a des jours où j’aimerais parler français couramment, ça me simplifierait la vie, mais ce n’est pas suffisamment important (dans la liste de mes priorités) pour que je m’y remette. J’ai aussi choisi de travailler dans un endroit où on parle anglais. Si j’avais commencé dans un lieu où on ne parlait que français, je n’aurais pas eu le choix.

Y a-t-il une petite communauté culinaire israélienne à Paris ? 

Le groupe du chef Assaf Granit possède ici quatre restaurants, donc cela crée une vraie famille et communauté. Je suis très attachée à cette équipe, tout le monde n’est pas israélien, mais la majorité comprend bien ce que veut dire la culture culinaire israélienne.

Qu’as-tu apporté avec toi, en tant qu’Israélienne, en France ?
Au travail, je pense qu’on apporte le meilleur visage d’Israël : la chaleur, l’accueil, l’attention portée aux moindres détails dans l’hospitalité, l’envie de faire plaisir. J’aime beaucoup montrer cette facette de nous. Sinon, dans nos créations, à Shabour, j’essaie d’intégrer des éléments de la cuisine du Moyen‐​Orient à la cuisine française. Par exemple, le dernier dessert que nous servons se compose de matbucha (salade de tomates et poivrons) adoucie avec des fraises et des framboises, dans un bol de labneh au mascarpone. Les éléments français dans ce plat résident dans les techniques utilisées. Ou encore, nous réunissons une crème anglaise dans une salade caprese avec tomates, huile d’olive, mozzarella et une confiture d’huile d’olive. C’est une manière de faire dialoguer des éléments venus d’ici et de là‐​bas. C’est délicieux.

Qu’as-tu découvert en habitant en France, ailleurs qu'en Israël ?
J’ai surtout réalisé à quel point mon entourage en Israël est incroyablement soutenant. Ma famille a toujours été là pour me pousser et me renforcer, peu importe la distance. J’ai aussi compris combien j’aime mes amis là‐​bas et à quel point je les ai bien choisis. On apprend des choses quand on est loin… Même si, dans certaines situations, ces enseignements peuvent nous coûter, les mauvais jours comme, au contraire, lors d’événements heureux quand l’éloignement se ressent d’autant plus. J’apprends à vivre avec cette distance. 

Comment le 7 octobre t’a-t-il affectée ici ?
Le 7 octobre a été l’un des jours les plus durs que j’ai vécus. Pendant les deux premiers mois, j’avais peur de marcher dans la rue, de parler hébreu. Ma vie a changé, comme pour tout le monde, je pense. Il y a un avant et un après. Tout a soudainement pris une autre dimension. Les drames au travail me semblent dérisoires face au fait qu’il y a encore des otages à Gaza. Je pense qu’au début les gens avaient peur de venir manger dans un restaurant israélien, comme moi, j’avais peur de sortir. Mais peu à peu, les clients sont revenus pour nous soutenir.

Comment vis-tu le fait d’habiter entre deux mondes ?
C’est LA question qui me préoccupe le plus au quotidien. D’un côté, j’ai ma vie ici : mon travail, mes amis, une routine. De l’autre, mon cœur est toujours là‐​bas. Je suis reconnaissante d’avoir un travail qui me “coupe” un peu de la réalité israélienne, mais malgré tout, ma dernière pensée chaque soir est pour mon pays.

Des projets pour l’avenir ?
Profiter du présent, je ne réfléchis pas à l’avenir pour le moment. 

Que dirais-tu à quelqu’un qui envisage de s’installer à Paris ?
Je lui dirais d’essayer. On peut toujours revenir. Les outils, les expériences, que j’ai acquis ici pendant ces années, je n’aurais jamais pu m’y confronter autrement.

Et à ceux qui ne comprennent pas ce que tu vis ici en tant qu’étrangère ?
Quand on s’installe dans un autre pays, on est toujours partagé. Il y a une part de nous qui aura toujours le mal du pays –- et dans le cas d’Israël, cette part consiste aussi à défendre Israël – et il y a l’autre part, celle qui veut s’intégrer, comprendre une nouvelle culture, une autre société.

As-tu adopté de nouvelles habitudes ici ?
Avoir du temps pour soi. Une fois par semaine ou tous les quinze jours, je m’octroie une journée de plaisirs, rien que pour moi. 

Série "Israéliens à Paris" de la photographe Gali Eytan :

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