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Les combats méconnus de Robert Badinter : justice, mémoire et humanité

De la lutte contre la peine de mort à la défense des droits des plus vulnérables, Robert Badinter n’a cessé d’incarner une certaine idée de la justice. À l’heure de son entrée au Panthéon, un documentaire signé Dominique Missika et Bethsabée Zarka éclaire les combats souvent méconnus d’un homme resté fidèle à la dignité humaine.

Publié le 9 octobre 2025

3 min de lecture

© Nova Production 

Comment raconter un homme dont la vie entière fut un combat sans jamais verser dans l’hagiographie ? C’est le pari relevé par Les combats méconnus de Robert Badinter, le documentaire de Dominique Missika et Bethsabée Zarka. Pendant cinquante‐​deux minutes, les réalisatrices s’attachent à revisiter une histoire à la fois politique et personnelle, celle d’un homme que l’on croyait connaître, mais dont certains combats – moins spectaculaires que celui contre la peine de mort – demeuraient dans l’ombre.

Dès les premières séquences, le film relie le parcours de Robert Badinter à la tragédie de la Shoah. Son père, arrêté lors de la rafle de la rue Sainte‐​Catherine à Lyon en 1943, fut déporté et assassiné à Sobibor. Le jeune Robert, caché sous une fausse identité, porte dès lors en lui cette blessure qui façonnera son rapport à la justice et à la dignité humaine. Le documentaire déroule ensuite les grandes réformes portées par celui qui devint garde des Sceaux en 1981. Humaniser les prisons, défendre les détenus, rétablir la réinsertion : des objectifs qui, à l’époque, lui valurent hostilité et incompréhension. « Les prisons françaises ne sont pas l’honneur de notre pays », déclarait‐​il alors. 

D’anciens prisonniers, comme Khaled Miloudi, témoignent de ce que cette politique d’ouverture a représenté pour eux : la possibilité d’être vus autrement et d’espérer une réinsertion réelle. Autour de lui, des responsables pénitentiaires rappellent combien Robert Badinter fut aussi attentif aux conditions de travail des surveillants. Une vision globale, fondée sur le respect de toutes les parties, qui contraste avec aujourd’hui. Plusieurs intervenants soulignent d’ailleurs combien la situation actuelle des prisons françaises s’éloigne de l’héritage qu’il avait tenté d’instaurer : la dignité comme socle de la justice.

Le film revient également sur ses autres batailles : la suppression de la Cour de sûreté de l’État, la défense des libertés publiques, la dépénalisation de l’homosexualité. On y découvre un Robert Badinter engagé, souvent isolé, parfois victime d’antisémitisme. Des archives et témoignages rappellent son courage face à une opinion souvent hostile – notamment lorsqu’il s’oppose à la « Loi sécurité et liberté » d’Alain Peyrefitte, jugée contraire à l’État de droit.

Plus discrète mais tout aussi essentielle, la dimension mémorielle traverse tout le documentaire. On y entend la voix de Robert Badinter évoquer le procès intenté par le négationniste Robert Faurisson, ou encore son rôle dans l’extradition de Klaus Barbie, responsable de la rafle où son propre père avait été arrêté. Dans ces moments, l’homme d’État laisse entrevoir la part intime du fils, celle d’un survivant de l’Histoire qui a fait de la justice un acte de fidélité aux morts.

Le documentaire de Dominique Missika et Bethsabée Zarka se distingue par sa sobriété. Peu d’artifices, pas de grandiloquence, mais la force tranquille d’un récit qui s’appuie sur des faits, des visages et des voix. Cette pudeur narrative correspond sans doute à la personnalité même de Robert Badinter, un homme de raison plus que de spectacle, pour qui la morale valait plus que le pouvoir. 

On en ressort avec la conviction que les « combats méconnus » de Robert Badinter demeurent, plus que jamais, d’actualité. Son entrée au Panthéon ce jeudi 9 octobre agit comme un prolongement naturel, celui de la reconnaissance d’un destin qui, de la plaidoirie à la mémoire, n’a cessé de rappeler que la justice ne se négocie pas. 

Le documentaire Les combats méconnus de Robert Badinter est disponible en replay sur LCP.