De Paris et de sa banlieue ont été déportés plus de 35.000 juifs et tout autant de province. La majorité des juifs, plus de 160.000 vivait dans le grand Paris quand la Shoah s’est abattue sur eux.
Aujourd’hui, grâce à nos travaux si précis sur les enfants juifs déportés, presque tous les établissements scolaires parisiens et certains de la banlieue portent les noms des élèves des écoles, des collèges et des lycées victimes de la Shoah. Une plaque à l’entrée de l’établissement posée grâce aux recherches des AMEJD (Associations pour la mémoire des enfants juifs déportés) signale le nombre d’élèves victimes des nazis et du gouvernement de Vichy. À l’intérieur, une plaque indique les noms et âges de ces enfants. Pour le moment l’usage est en France de se concentrer sur le sort des enfants ; car l’enfance est l’âge de l’innocence. Tous les juifs étaient innocents mais les enfants encore plus que les autres.
Le pavé de cuivre (Stolpersteine, littéralement « pierres d’achoppement ») inscrit dans la pierre du trottoir face au domicile de la vic time en Allemagne ne convient pas aux Français non habitués à marcher sur ce qu’ils respectent. Si l’insigne de cuivre est aussi parfois inscrit dans la pierre de l’immeuble lui-même, rien à redire, mais, en France, il faudrait l’accord du propriétaire ou de tous les copropriétaires ; ce qui, en pratique, est très difficile à obtenir.
C’est pourquoi j’ai pensé à une autre formule qui permettra à toutes les victimes d’être immédiatement répertoriées là où elles vivaient : la cartographie. Déjà, le professeur Pinol, de l’École Normale Supérieure de Lyon et moi-même avons cartographié tous les enfants juifs déportés de France (11458). Pour Paris, Marseille, Lyon et Nice il suffit de taper leurs noms ou celui d’une rue pour voir, par rue et par numéro, que l’enfant juif mis à mort pendant la Shoah y a vécu.
Pour tous les départements, cette cartographie est disponible. Demain, après-demain, ce sera le cas pour tous les déportés juifs, les morts dans les camps, les exécutés ou abattus sommairement. Avec un smartphone il sera possible immédiatement, où que l’on se trouve, de savoir ce qui s’y est passé par rapport à la Shoah.