Chiche : régalons-nous

Chiche par Jonathan Sason-Cohen, Éditions Solar, 2024, 176 pages, 29,90€

Fermez les yeux et ouvrez grand les narines. Ici ça sent le curcuma frais, l’oignon blondi, le cumin, les lentilles et la tehina, ça sent le plat mijoté du shabbat midi ou la cuisine de rue au Shouk haCarmel, ça sent le soleil, les épices et la rencontre.

Jonathan Sason-Cohen, fondateur et chef du restaurant Chiche à Paris, propose un livre réconfortant, un livre de recettes et d’histoires, qui donne terriblement envie de se mettre à l’ouvrage. Celui qui a grandi en France introduit son livre en rappelant que “la cuisine israélienne est une cuisine de mélange et de tradition. Depuis plus de 70 ans, les Juifs émigrant vers Israël ont ramené leurs recettes avec eux”.

Et Jonathan, lui, nous amène jusqu’à ces traditions. Dans un bel ouvrage aux photos élégantes et sobres, on parcourt avec lui les quatre chapitres: le petit déjeuner, la cuisine de tous les jours, la cuisine de rue et la cuisine de Shabbat et des fêtes. En tête de chaque chapitre, l’auteur nous explique un peu son monde, ses plaisirs, ses découvertes.

Né d’un couple franco-israélien, Jonathan raconte à la fois la brasserie parisienne de ses grands-parents maternels et l’Irak natal de ses grands-parents paternels, ainsi que les grandes tables familiales de shabbat dans cette famille “pratiquante traditionaliste”. Ses étés, il les passe en Israël; il lui en souvient “de la nourriture partout et tout le temps”, une grand-mère qui répète à l’envi “Touhlou! Touhlou! [Mangez! Mangez!]”, et les odeurs de retour du shouk le vendredi. Il grandit et se prend d’amour pour les “houmoussiya”, ces petits “bouis-bouis avec des chaises en plastique, où le houmous est roi”. Quelques années plus tard, il décide de faire profiter les Parisiens de cette ambiance et de cette gastronomie, et ouvre le restaurant “Chiche” à Paris. 

photo: Jordan Landaverde

On a assez vite l’impression non pas d’avoir un simple livre de recettes dans les mains, mais plutôt le carnet de recettes récupéré chez Mamie ou Savta, riche de souvenirs qui, en n’étant pas les nôtres, se laissent pourtant bien vite apprivoiser. Cela se ressent jusque dans la mise en page et le choix des recettes. Parce qu’en plus des plats ou desserts, on apprend aussi comment faire les indispensables à-côtés: pain pita, bagel, tehina, pickles, aiolis et autres sauces. Et aussi parce qu’au fil des pages s’ajoutent, comme des notes manuscrites, de petits “tips”, des conseils qui rendent la vie plus simple et les plats plus savoureux. Lorsqu’il y a une partie technique, Jonathan nous accompagne en photos étape par étape, comme pour le montage de la babka ou le façonnage de la pita. Et tant pis pour le look si ces petites séries carrées font tuto, c’est tellement rebalancé par les photos pleines planches au charme classe et subtil.

Le houmous est bien sûr à l’honneur, avec six variantes. Mais ma partie favorite, c’est la cuisine de tous les jours. Ces recettes sont simples, avec des ingrédients qu’on a dans ses étagères ou son garde-manger, bien expliquées et particulièrement propices à cuisiner en famille. En nous transmettant son histoire et ses recettes, Jonathan nous fait passeurs à notre tour. Il faut voir la fierté des enfants quand tout le monde se régale de leur “stew yéménite” ou de leur “tbeet” (nom irakien de la dafina), ou leur impatience quand le “shawarma de parguit” qui cuit au four embaume la maison d’une odeur à la fois exotique et si familière. 

Avec ses quatre-vingts recettes, toutes kasher et pour beaucoup végétariennes, pour retrouver, découvrir, se régaler et transmettre, ce livre est un vrai coup de cœur de Tenoua. 

photo: Jordan Landaverde

Et pour goûter aux plats de Jonathan Sason-Cohen à sa table plutôt qu’à la vôtre, c’est chez Chiche, 29 bis rue du Château-d’Eau, Paris 10

  • Léa Taieb

 Ismaël Saidi, artiste allié

Depuis une dizaine d’années, Ismaël Saidi écrit, met en scène et joue dans les pièces de théâtre qu’il imagine. Des pièces de théâtre qui tentent d’agir sur la haine de l’autre et le repli communautaire. Fin octobre 2023, il écrit une tribune dans laquelle il dénonce l’antisémitisme islamiste. Depuis, régulièrement, sur le compte Instagram @procheourien, l’artiste prend la parole à travers des vidéos pédagogiques rappelant les origines comme la complexité du conflit israélo-palestinien. Cette année, il revient avec une pièce qu’il avait pensée bien avant le 7 octobre, une pièce qui étudie la psyché des Israéliens comme celle des Palestiniens, une pièce pour écouter la voix de l’autre. Portrait d’allié. 

 

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