À l’écran, ça débute comme un film de guerre: des combats, de jeunes soldats effrayés qui se regroupent dans un appartement en ruine avant de progresser en terrain hostile. La pièce, éventrée, est vide, lorsque bouge un matelas adossé au mur. En sort un jeune soldat dont on ne sait pourquoi il était caché là. Il sort, part à l’opposé de ses camarades, vole une voiture, jette son casque, conduit sur un chemin, abandonne le véhicule, saute par-dessus une barrière puis se réfugie dans une maison manifestement familière.
Le jeune soldat, c’est Shlomi, 18 ans. Shlomi vient de fuir les combats à Gaza durant l’opération Pluie d’été en 2006. Ce film, titré en français Le déserteur, aurait mérité de conserver son titre original en hébreu, החייל הנעלם, “Le soldat disparu”. Shlomi ne fuit pas les combats par peur ni par idéologie, Shlomi est un ado, et sa petite copine, Shiri, doit partir au Canada, il veut juste la voir avant son départ et, peut-être, la retenir.
Nerveux, haletant, parfois essouflé, le film est comme son personnage: franc, impulsif, amoureux. Même en enlevant tout le contexte, Israël, Gaza, la guerre, Dani Rosenberg (La Mort du cinéma et de mon père aussi, présenté à Cannes en 2020) propose un film précieux par son approche de l’adolescence tardive. Le gamin est inconséquent, qui planque son arme dans des poubelles, vole les habits civils de touristes à la plage, traverse Tel Aviv à vélo à une vitesse folle, mais le gamin, surtout, est amoureux. Et c’est en fait la seule chose qui compte pour lui, pas la politique, pas la guerre, pas les grandes idées, juste l’amour.
Dans le contexte actuel, ce film – initié il y a bien longtemps mais qui a peiné à trouver du soutien financier en Israël, en ce qu’il lève un tabou –, ce film a un immense mérite: rappeler qui sont ces jeunes soldats que l’on voit aux infos entrer dans Gaza arme à la main. Parce que c’est de ceci qu’il est question: Shlomi est certes un soldat combattant dans une vraie guerre, mais Shlomi est surtout un ado, frais et imprévisible, parfois presque animal, qui réagit sur l’instant, sans trop penser à autre chose qu’à Shiri.
Les travellings nerveux montrent Israël à la hauteur de Shlomi, tout passe vite, tout est flou, aucun repos n’est possible, sauf dans les bras de Shiri, bien sûr. C’est un film jeune, audacieux, honnête, un film sur un corps qui court après l’amour plus que pour fuir la guerre, un corps qui s’en fout, même quand le pays entier s’alarme, persuadé qu’il a été enlevé par des factions palestiniennes, un film qui tourne le sérieux de la vie en dérision et place le désir, la passion et la sensualité en valeurs ultimes. À voir absolument.