Élie Wiesel: Dernière chance

“Les enfants qu’on appelle ceux de la « troisième génération » sont nombreux aujourd’hui à se mettre en route vers l’histoire de leurs grands-parents. Ils écrivent, recherchent, interrogent. Certains le font à travers un voyage initiatique sur les lieux de leur passé familial, d’autres à travers une recherche historique ou artistique. Je trouve cette démarche très émouvante, bien sûr. Mais elle me semble aussi très naturelle, comme l’est une urgence. Cette quête constitue en fait une « dernière chance » : dernière chance de savoir, de voir et d’entendre en écoutant des témoignages directs de ceux qui y étaient, dernière chance d’interroger des acteurs encore en vie de cette histoire. Cette troisième génération a aujourd’hui 30 ou 40 ans, l’âge d’être eux-mêmes parents, l’âge aussi d’être pleinement acteurs de leur histoire. 40 ans, ce n’est pas rien : c’est le temps d’une génération biblique. Il est donc temps d’engager un tel voyage. Certains se rendent physiquement sur les lieux de l’histoire de leurs grands-parents, d’autres pas. Personnellement, je pense que le retour sur les lieux géographiques de cette histoire doit se faire accompagné. Il faut y aller avec la parole de ceux qui y étaient et qui peuvent encore dire. Je ne crois pas qu’il faille y aller seul.

POUR CONTINUER À VIVRE

Certains me disent parfois que dans ce voyage vers leur histoire familiale, vers ces silences, certains de mes récits, certains de mes écrits les accompagnent. Je suis bien sûr très touché de l’entendre et ému. Mais si j’ai écrit, c’est d’abord et avant tout parce que je n’avais pas le choix. Il fallait que j’écrive. Il fallait que je dise pour continuer à vivre.”

Propos recueillis par Delphine Horvilleur