Le Lab Ghriba la belle, Ghriba la meurtrie

Après l’attentat qui a fait trois victimes mardi, lors du pèlerinage annuel de la synagogue de la Ghriba à Djerba en Tunisie, nous voulons rendre à ces âmes et au lieu qu’elles chérissaient un peu de la beauté qui leur a été volée.  

Mohatatou, CC BY-SA 4.0

Tous, nous avons déjà vu les images de la si belle synagogue de la Ghriba sur l’île de Djerba en Tunisie, de ses murs blancs aux fenêtres et portes bleues, baignés du soleil méditerranéen, des faïences bleues, blanches et brunes qui baignent ses salles de prière. Cette synagogue qui symbolise l’immense essor qui fut celui de la communauté juive de Djerba a vu couler le sang de deux pèlerins juifs (dont un Français) et d’un garde de sécurité, tous trois assassinés par un gendarme dans une attaque qui ne peut que nous rappeler l’horreur de l’attaque, déjà par un militaire chargé de la surveiller, qui fit cinq morts à l’intérieur de la synagogue lors de Simhat Torah 1995 et de l’odieux attentat au camion-bélier par Al-Qaïda qui y tua 21 personnes en 2002. 

Citizen59 from Tunis, Tunisie, CC BY-SA 2.0

La Ghriba [« L’étrange » ou « l’isolée » en arabe] est donc un lieu de culte, un lieu de prière, un lieu d’histoire, un lieu de beauté, un lieu de témoignage, mais aussi malheureusement un lieu de mort attirant les fanatiques que l’étrange insupporte, surtout quand il est juif. Puisque la mort a été semée, que la haine vient à nouveau de souiller ce bâtiment, puisque le monde en a été meurtri, affecté, en mal, nous voulons vous proposer de remettre en avant la beauté de ce lieu et de cette histoire pour que vive dans nos yeux le pèlerinage frappé par l’assassin. 

Citizen59 from Tunis, Tunisie, CC BY-SA 2.0

Selon la légende, la construction de la synagogue remonte à la fuite du Grand Prêtre après la destruction du Temple de Salomon en -586, lequel aurait emporté avec lui une porte et une pierre du Temple jusqu’à Djerba. Une autre légende, complémentaire, raconte qu’elle fût bâtie sur le site du martyre d’une jeune fille. Celle-ci vivait là seule dans une cabane et inspirait la crainte et le respect. Elle mourut dans l’incendie de son abri mais les Juifs du village voisin auraient retrouvé son corps miraculeusement préservé et lui auraient offert une sépulture dans une caverne, aujourd’hui lieu d’un important pèlerinage annuel au moment de Lag baOmer (que nous venons de célébrer). Chaque année, ils sont des milliers de pèlerins juifs à converger vers la Ghriba. 

Citizen59 from Tunis, Tunisie, CC BY-SA 2.0

L’actuel bâtiment date du 19e siècle. Isolé à 1 km du village d’Erriadh (ou Hara Sghira [le petit quartier], dont on dit que seuls des cohanim [prêtres] l’habitaient), il se présente discret de l’extérieur, puis s’ouvre au regard des fidèles une fois passé le portique, par sa structure composée de deux grandes salles dont l’une était initialement une cour finalement recouverte et dont l’espace est divisé par deux rangées de colonnes. On atteint la pièce principale en passant sous trois voûtes, auxquelles sont parfois suspendues des lampes à huile, pour découvrir les nombreuses fenêtres aux vitraux colorés laissent pénétrer la lumière qui éclaire les colonnes, la teva [estrade] et les bancs de bois tout autour. Les faïences peintes à la main qui agrémentent les murs conduisent jusqu’à une niche sous l’Aron hakodesh [l’arche sainte] où une plaque indique le lieu où fut enterrée la ghriba

Hassene nostra, CC BY-SA 4.0

Le pèlerinage de la Ghriba dure 4 jours, du 14 Iyar à Lag baOmer et honore la mémoire de deux rabbins tannaïm [Sages dont les opinions sont intégrées à la mishna], Meïr Baal HaNess [le Miraculeux] et Rabbi Shimon bar Yohaï. Lors d’impressionnantes processions qui visitent aussi les autres oratoires de la ville, une grande ménora [chandelier] est portée jusqu’à la nuit où elle est allumée à l’intérieur de la synagogue dans une ambiance joyeuse où hommes et femmes se mélangent. Cette tradition dépasse même le cadre juif puisque des Musulmans et des Chrétiens honorent également le lieu de sépulture de la jeune fille et lui prêtent diverses vertus. 

Zied Touzani, CC BY-SA 4.0

La Ghriba a aussi inspiré des musiciens, comme ici Yaacov Bchiri, sur l’album Tunisie: La mémoire des Juifs de Djerba, VDE-Gallo, 2001

Toute la rédaction de Tenou’a s’associe au chagrin des proches des victimes et prie pour que la beauté de la Ghriba innonde le monde et que l’étrange l’emporte sur le fanatisme. 

Bsghaier, CC BY-SA 4.0
  • Antoine Strobel-Dahan

Le Lab Liquidation du ghetto de Varsovie – Document: le rapport Stroop

En mai 1943, le Waffen-SS Jürgen Stroop produit un rapport dactylographié de 125 pages sur la liquidation du ghetto de Varsovie, destiné à être un « album-souvenir » pour Heinrich Himmler. Ce document contient une cinquantaine de clichés photographiques pris par le service de propagande nazi. Le « rapport Stroop » a servi de preuve à charge lors du procès de Nuremberg. Parmi les clichés qui s’y trouvent: la photo devenue emblématique du « petit garçon de Varsovie », les bras levés.

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