Le droit à être payé sans délai
En Deutéronome (24,14-15), nous lisons: “Ne cause point de tort au journalier pauvre et nécessiteux, que ce soit un de tes frères ou un des étrangers qui sont dans ton pays, dans l’une de tes villes. Le jour même, tu lui remettras son salaire, avant que le soleil se couche ; car il est pauvre, et il attend son salaire avec anxiété. Crains qu’il n’implore contre toi le Seigneur, et que tu ne sois trouvé coupable”. Pour les sages du Talmud, il en résulte qu’un employeur doit impérativement payer son dû au salarié le jour de la fin de son contrat, et le Talmud précise: “Celui qui retient le salaire de son employé, c’est comme s’il le privait de sa vie” (Baba Metsia 112a).
La convention collective
La littérature talmudique souligne l’importance du respect de la coutume locale (Baba Metsia 7,1), qu’on peut considérer comme l’ancêtre de la convention collective. Un employeur doit s’adapter aux usages du lieu et du secteur d’activité dans lesquels il recrute des travailleurs. Cela concerne tous les acquis locaux comme des horaires de travail moins contraignants ou des avantages en nature, de sorte qu’il ne peut jamais y avoir de détérioration des conditions de travail et de rémunération. De même, le Talmud précise que la parole initiale doit être respectée et qu’aucune modification du contrat ne saurait advenir contre l’avis du salarié, même si elle semble à son avantage.
Les règles concernant le temps de travail
Le temps de travail subit une première révolution dès l’Exode (20,8-9): “Durant six jours tu travailleras et t’occuperas de toutes tes affaires, mais le septième jour est la trêve de l’Éternel ton Dieu: tu n’y feras aucun travail”. Et le Talmud va plus loin: le temps de trajet pour aller du domicile au lieu de travail doit être payé au salarié, tandis que le temps de trajet retour ne lui est pas rémunéré (Baba Metsia 83b).
Le droit à être nourri
En vertu du Deutéronome (23,25) qui stipule que “tu pourras manger des raisins à ton appétit, jusqu’à t’en rassasier; mais tu n’en mettras point dans ton panier”, l’employé a le droit de consommer du produit qu’il travaille et uniquement de celui-ci, dans sa forme brute, sans transformation. Les employeurs ont par ailleurs l’obligation de fournir à leurs salariés de la nourriture de qualité égale à celle qu’ils mangent eux-mêmes (Kiddoushin 20a).
Le droit de quitter son emploi
Au nom de ce qu’un travailleur, en tant qu’homme libre, ne saurait être asservi, le Talmud stipule que l’employé peut, à tout moment, quitter son emploi. Il se base pour cela sur le Lévitique (25,55): “Car c’est à moi que les Israélites appartiennent comme esclaves”, à quoi Baba Kama (116b) ajoute: “mais non comme esclaves de mes esclaves”. Un salarié qui quitte son travail doit être payé proportionnellement à la part du travail effectué. Cette part sera toutefois réduite si l’employeur doit, pour éviter une “perte irrémédiable”, payer de nouveaux employés plus cher que le salaire initialement convenu.
Le droit à une compensation en cas de chômage
Si un employé se voit suspendu, faute de charge de travail suffisante pendant la durée de son contrat et qu’il ne trouve en remplacement qu’un emploi moins bien payé, il peut se retourner vers son premier employeur pour obtenir la différence. S’il ne trouve aucun poste répondant à des conditions de difficulté et de salaire identiques ou meilleures, il peut réclamer au moins la moitié du salaire qui lui était promis. Cette compensation sera portée à la totalité si l’inactivité met en péril sa santé ou ses aptitudes de travail – tel un manutentionnaire qui perdrait de sa force en étant inactif (Baba Metsia 77a).
Le droit à une compensation en cas d’arrêt du travail pour raisons de santé ou personnelles
Un employé qui quitte son travail pour des raisons impérieuses – maladie ou décès d’un proche par exemple – verra sa journée de travail payée entièrement. Un employé qui subit une maladie ou un accident du travail en raison de négligences de son employeur sera dédommagé par celui-ci pour la perte de revenus, la perte d’usage de ses membres, la souffrance physique et les frais médicaux engagés. De plus, si un travail porte un risque inhérent, le salaire doit en être augmenté (c’est ainsi que les prêtres du Temple, qui subissaient des troubles intestinaux récurrents en raison de leur fonction, voyaient leurs frais médicaux pris en charge par le Temple – Shekalim 5,1). Les salariés n’ont quant à eux pas le droit d’accepter une tâche qui mettrait leur santé en péril.
L’interdiction du licenciement sans motif valable
Un employeur a toute légitimité à renvoyer un employé qui aurait commis des négligences causant des pertes irréparables pour l’employeur. Toutefois, en dehors de certains métiers pour lesquels les salariés sont considérés comme “avertis en permanence”, l’employé doit avoir commis des actes volontairement malfaisants à trois occasions distinctes et son employeur doit l’avoir mis en présence des conséquences de ses manquements deux fois pour pouvoir légitimement le renvoyer (Baba Metsia 109).
Le devoir de se consacrer pleinement et sans paresse à son travail
Comme toujours en loi juive, des droits impliquent des devoirs. Ainsi le salarié a-t-il l’obligation de travailler pleinement et de toute sa force, et de se prémunir de toute fatigue externe qui pourrait être liée à la privation de nourriture ou de sommeil (par exemple en cumulant des emplois – Tosefta Baba Metsia 8,2). Maïmonide précise dans le Mishné Torah que “le travailleur est enjoint de ne pas priver son employeur du bénéfice du travail qu’il lui doit, en perdant son temps par-ci par-là et en gâchant ainsi insidieusement sa journée de travail”. Par ailleurs, ce que l’employé casse ou perd par négligence lui sera déduit de son salaire (Baba Metsia 6,8).
Le droit aux corporations, à la négociation collective et à la grève
“Les résidents ont le loisir de fixer les poids et les mesures, les prix et les salaires, et d’infliger des amendes à ceux qui contreviennent à leurs règles”, dit le Talmud (Baba Batra 8b). Les règles de distribution du travail entre membres d’une même corporation sont fixées en interne et ont force de loi, du moment qu’elles respectent un principe équitable. De même, les professionnels peuvent-ils instituer un numerus clausus de sorte que la capacité de chacun de subvenir à ses besoins ne soit pas mise en péril. Enfin, bien que le Talmud préfère toujours l’arbitrage d’une cour rabbinique, il ne s’oppose pas au droit de grève: ainsi en Yoma 38,a trouve-t-on le récit d’une famille de boulangers qui se mit en grève lorsqu’on voulut lui imposer de livrer le secret de la cuisson de son pain rituel. La famille Garmu argumenta de ce que les autres boulangers n’avaient pas le même souci de maintenir les meilleurs standards de la fabrication du pain. La famille vit son salaire doublé par le Temple et se remit au travail.
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