Lecture: “LE FAISCEAU DES VIVANTS” de Catherine Zittoun

Catherine Zittoun, Le Faisceau des vivants, Pétra, 2024, 17€

“L’histoire est un triangle dont on serait le sommet et dont la base se dissout dans un passé sans fond. Par où faut-il commencer?”, écrit l’auteure au beau milieu de son roman Le Faisceau des vivants (p.89). Tel est le cadre que Catherine Zittoun, qui n’est pas que romancière, s’est donné. Et comme pour contourner la question “Par où faut-il commencer?”, elle a habilement donné le nom de ses personnages à ses chapitres: Aimée, Max, Denise et Claire. Ce qui lui permet de se mouvoir dans l’espace et surtout dans le temps.

Je vois deux façons de parler de ce livre (mais peut-être y-en-a-t-il une infinité d’autres). La première est de le situer là où il dit qu’il est: c’est l’histoire d’une fille dont la mère a été une enfant juive cachée. La fille est le sommet du triangle. À la base, la mère a caché non pas le fait d’avoir été cachée, mais quelque chose concernant sa propre mère officiellement disparue dans les camps. La démarche de chercher le secret est habituellement plus intéressante que le secret lui-même mais, dans ce livre, ce n’est pas le cas. On croit ne plus avoir rien à apprendre de cette période terrible. Je ne voudrais pas révéler ce secret mais juste dire qu’il surprendra même ceux qui croient tout savoir.

La seconde façon de parler de ce livre est la suivante: c’est dans sa particularité qu’il touche à l‘universel. Sa particularité c’est bien sûr l’époque du nazisme, ses conséquences pour les Juifs; c’est aussi la culture juive, celle du Talmud, des traditions et de la cuisine à travers l’histoire particulière d’une seule famille sur plusieurs générations et de son entourage.

L’universel, c’est que, quelle que soit l’époque, l’histoire avec un grand H et la culture, il y a toujours à une génération ou à une autre, un traumatisme, un secret, un mystère qu’un protagoniste va chercher à découvrir comme si une impérieuse nécessité s’imposait à lui. Cela donne souvent de la bonne littérature. Il n’y a qu’à lire Le Faisceau des vivants pour en avoir la preuve.

Caroline Eliacheff est pédopsychiatre et psychanalyste.
Derniers ouvrages parus:
Ma vie avec la comtesse de Ségur, Gallimard
La Fabrique de l’enfant-transgenre, avec Céline Masson, Éditions de l’Observatoire