
Photo by Maya Elran
Courtesy of the artists and Braverman Gallery, Tel Aviv
La premiĆØre exploitation viticole, Carmel, fut Ć©tablie en 1882 Ć Rishon LeTzion et Zikhron Yaāakov grĆ¢ce au Baron Edmond de Rothschild, propriĆ©taire du domaine ChĆ¢teau LafitteāāRothschild Ć Bordeaux. Carmel reste le premier producteur de vin dāIsraĆ«l. Ć lāĆ©poque, peu de diversitĆ©, une qualitĆ© variable, mais une quantitĆ© importante pour rĆ©pondre aux besoins sacramentels. Cāest seulement dans les annĆ©es 1990 que des viticulteurs et Ånologues israĆ©liens se sont intĆ©ressĆ©s sĆ©rieusement Ć dĆ©velopper la viticulture locale sur trois fronts : formation de pointe Ć lāĆ©tranger ; diversification des cĆ©pages ; et dĆ©veloppement de la viticulture dans tout le pays, y compris dans le NĆ©guev et le Golan.
La formation, dāabord : des IsraĆ©liens sont partis apprendre le mĆ©tier en France, en Australie et en Californie, mais des experts de ces rĆ©gions sont aussi venus en IsraĆ«l pour conseiller quant au dĆ©veloppement de nouvelles technologies. La premiĆØre exploitation viticole Ā« boutique Ā» (cāest-Ć -dire produisant moins de 80000 bouteilles par an), Margalit Winery, est Ć©tablie en 1989. Ć partir de lĆ , dāautres viticulteurs se lancent dans des rĆ©gions du pays encore inexploitĆ©es pour la vigne : la GalilĆ©e (y compris le plateau du Golan), dont lāaltitude, le vent, la tempĆ©rature et la richesse du sol prĆ©sentent des conditions idĆ©ales (41 % de la production); la rĆ©gion de JĆ©rusalem et les collines de JudĆ©e (10 %); la rĆ©gion de Samson (Shimshon), situĆ©e entre les collines de JudĆ©e et la plaine cĆ“tiĆØre (27 %); Shomron, la rĆ©gion historique autour du Mont Carmel et de Zikhron Yaāakov (17 %); le NĆ©guev, un dĆ©sert semiāāaride qui a verdi grĆ¢ce Ć lāirrigation au goutteāāĆ ā goutte (5 %). Au total, ce sont 5500 hectares qui sont dĆ©volus Ć la viticulture. Au dĆ©veloppement gĆ©ographique favorisĆ© par des conditions climatiques exceptionnelles sāest ajoutĆ©e lāinventivitĆ© technologique : outre lāirrigation ultraāāprĆ©cise, un savoirāāfaire importĆ© et la diversification des cĆ©pages. Si le vin doux et bon marchĆ© de votre enfance Ć©tait constituĆ© de Carignan et Colombard, les vins dāaujourdāhui font Ć©cho aux variĆ©tĆ©s connues de partout, comme le cabernet sauvignon (19 % de la production), le merlot (12 %), le chardonnay et le sauvignon blanc. La recherche et lāexpĆ©rimentation ont permis de dĆ©velopper en outre des cĆ©pages intĆ©ressants, comme la syrah, le petit verdot, ou la petite syrah (durif). La proportion de vin rouge est Ć©crasante Ć 65 %, contre 15 % pour le blanc, 8 % pour le mousseux, 2 % pour le rosĆ© et 11 % pour le vin doux (on ne change pas les habitudes sĆ©culairesā¦). Il faut dire que la consommation annuelle israĆ©lienne reste relativement modeste : 5 litres par habitant (contre 43 en France).
DāaprĆØs le site wines-israel.com, IsraĆ«l comptait, en 2018, soixanteāādix exploitations viticoles importantes (dont douze produisent plus de 95 % du vin israĆ©lien, mais pas nĆ©cessairement le meilleur). Le nombre de petites exploitations Ā« boutique Ā» a explosĆ©, avec plus de 250 noms. Et aujourdāhui, ce sont ces petits producteurs qui font le meilleur vin, celui qui gagne des mĆ©dailles aux concours internationaux de dĆ©gustation, celui qui dĆ©croche les meilleures notes dans les guides de Robert Parker ou dāOz Clarke et qui reƧoit les faveurs des menus dans les restaurants Ć©toilĆ©s des chefs israĆ©liens. Ces petits labels commencent Ć se faire connaĆ®tre Ć lāĆ©tranger car ils font partie des 20 % de la production totale qui est exportĆ©e (un chiffre dāaffaires annuel de 50 millions de dollars en 2018, contre 8,01 millions en 2001). Plus de la moitiĆ© des exportations de vin israĆ©lien partent en AmĆ©rique du Nord (ĆtatsāāUnis et Canada), puis en France, au RoyaumeāāUni, en Pologne, en Allemagne et⦠en Asie.
Et la kashrout dans tout Ƨa ? Aujourdāhui, 95 % des vins israĆ©liens sont kasher, cāest-Ć -dire quāils sont produits sous surveillance rabbinique jusquāĆ la mise en bouteille. Mais seuls 10 Ć 15 % du vin produit est fabriquĆ© Ć des fins strictement religieuses, avec le certificat mevoushal, cāest-Ć -dire Ā« cuit Ā», puisque le vin est chauffĆ© Ć 100 degrĆ©s centigrades lāespace dāun instant. Son goĆ»t est nettement altĆ©rĆ© par ce processus de pasteurisation mais il est rĆ©servĆ© Ć des buts sacramentels (fĆŖtes et cĆ©lĆ©brations religieuses). Il vise une clientĆØle religieuse qui exige aussi que le vin mevoushal soit servi par des Juifs religieux. Cāest un petit marchĆ©, tenu par les gros producteurs, qui maintient ses caractĆ©ristiques propres et qui nāest pas affectĆ© par les visions entrepreneuriales et gastronomiques des nouveaux venus sur la scĆØne du vin de qualitĆ© supĆ©rieure pour les palais raffinĆ©s.
Alors, pour votre prochain dƮner, si vous essayiez un petit verdot du Neguev ?