Saviez-vous qu’une mezouza du Maroc est bien différente de sa cousine polonaise ou amstellodamoise ? Qu’il y a au moins trois types de chapeaux ronds en fourrure portés par les Hassidim ? Que les Sépharades ont une coutume particulière avant la naissance d’un bébé, appelée kortadoura de fashadoura ? Avez-vous déjà vu une chaussure pour la cérémonie du lévirat ? Pourquoi plusieurs textiles de cérémonie portent-ils le nom de mappa, en particulier dans les communautés italiennes ? Un nouvel outil numérique accessible à tous en quinze langues permet de rechercher les objets rituels juifs par nom ou par mot-clé, et d’obtenir des informations visuelles (images et vidéo) ainsi que des références bibliographiques pointues.
Cet index des Judaïca est né d’une frustration et d’une envie : la frustration de la chercheuse qui bute devant des catalogues de musées dont elle ne maîtrise pas la langue (l’excellent musée juif de Prague, ou celui d’Amsterdam) et devant les bases de données qui n’expliquent pas dans quel contexte l’objet est utilisé (l’index Bezalel de l’art juif) ou qui n’offrent aucun repère visuel (la base de données du Getty Institute). Et l’envie : en consultant le Thésaurus des objets du culte catholique, publié en 2000 et aujourd’hui épuisé. Un livre en trois langues qui répertorie les objets de culte en les classant dans de grandes catégories, avec des photos de qualité moyenne à l’appui. Pouvait-on réfléchir à quelque chose de similaire pour le judaïsme ? En plusieurs langues ? en ligne, afin de permettre les liens, les regroupements, les affinités et les mises à jour ?
Dans le cadre de mon travail auprès de la Fondation Rothschild Hanadiv Europe, basée à Londres, dont la mission principale est la préservation, la documentation et la dissémination du patrimoine matériel juif européen, j’ai commencé à consulter des collègues conservateurs et directeurs de musées, bibliothécaires, catalogueurs, ainsi que des universitaires et des collectionneurs. Les avis étaient unanimes : il manque singulièrement un index ou thésaurus des objets rituels juifs qui répertorie tous les objets (pas seulement ceux qui font partie d’une collection), cet index doit être numérique pour permettre les mises à jour et les échanges dynamiques, et il doit être consultable en plusieurs langues.
La Fondation Rothschild Hanadiv Europe m’a accordé sa confiance pour concrétiser cette idée. La pandémie ayant porté un coup d’arrêt à mes déplacements professionnels, j’ai pu me consacrer à la collecte de données pour l’index : liste d’environ deux cents objets avec leur définition et les noms multiples qu’ils peuvent avoir (kippa et calotte) et des options orthographiques pour les translittérations de l’hébreu (‘houpa, houpa, houppah, etc.). Je me suis ensuite adressée à mon réseau de musées, bibliothèques et collectionneurs pour obtenir des images de très haute qualité de ces objets, avec les informations sur ces images. Avec l’aide de chercheurs externes, j’ai cherché des vidéos expliquant les rituels et établi une bibliographie pointue pour chaque objet. Mes contacts m’ont recommandé quatorze traducteurs qui ont effectué un travail magnifique et pas toujours évident. On peut le consulter en français, anglais, allemand, italien, espagnol, néerlandais, polonais, tchèque, russe, grec, hongrois, hébreu, arabe, yiddish et ladino.
L’index s’est développé, il a été nourri au fur et à mesure, nous avons fait des corrections de design, de contenu, de navigation. Un véritable work in progress qui, par sa nature numérique, peut être constamment enrichi, amélioré, révisé.
C’est un cadeau à la collectivité, pas seulement aux chercheurs ou aux professionnels, mais aussi aux étudiants et à toute personne intéressée par les objets rituels juifs. Outre les recherches classiques, cet outil offre aussi des surprises, des découvertes, des apparentements inattendus. La section « couvre-chef » juxtapose une coiffe de femme algérienne, un diadème-perruque marocain, un kolpik hassidique et un sterntikhl polonais. Le mot-clé « outils » réunit le matériel du mohel et celui du shokhet, ainsi qu’un sceau de la communauté et un fouet de flagellation. Il y a les rituels récents (coupe de Myriam, plateau de Tou biShvat), et les objets anciens créés par des artistes contemporains (le calendrier de l’omer par Toby Kahn) et ceux que l’on n’utilise plus beaucoup (le service à banquet de la société funéraire). Il y a des objets illustrés par quatre, cinq ou six images qui montrent toute leur diversité, qu’ils viennent d’Ukraine, du Yémen, des États-Unis ou de France. Plutôt que de continuer à lire une description forcément partielle et partiale de cet Index des Judaïca, je vous invite à vous plonger dans le site www.judaicaindex.org et à lancer une recherche précise, ou vous laisser inspirer par une image ou un mot-clé, vous laisser détourner par un objet apparenté, une image ou un lien vers un article en ligne. Et faites signe si vous avez une remarque, une critique, un ajout ou un compliment à partager !