DIDIER ZUILI
Éditions Marabulles, 2017, 19,90 euros
Ce magnifique album au dessin très soigné et au scénario bien documenté nous plonge dans le quotidien du ghetto de Varsovie. S’appuyant sur les archives d’Emanuel Ringelblum, l’auteur raconte comment des prisonniers du ghetto ont, au péril de leur vie, constitué et transmis un inestimable corpus de témoignages clandestins.
Dès 1940, le jeune historien Emanuel Ringelblum crée le groupe Oyneg Shabbes pour collecter une vaste documentation (témoignages, essais, journaux intimes, dessins…) afin de préserver une trace de la communauté juive du ghetto. En 1942, ces documents sont cachés dans des boîtes en métal enfouies sous des immeubles. Les « Archives Ringelblum », dont une grande partie, soit près de 30.000 pages, a été retrouvée, font partie du Patrimoine Mondial de l’Unesco.
Didier Zuili, auteur et dessinateur, rend cette histoire vivante à travers des personnages attachants, mêlant des éléments de fiction à la réalité effroyable de la Shoah. « L’histoire ne peut pas être écrite par des faussaires, dit un des personnages. Nos écrits sont des balles. Un jour, ces balles atteindront nos bourreaux. Notre résistance de papier traversera l’histoire et nous rendra justice. »
En racontant la tentative désespérée du groupe Oyneg Shabbes de sauver les traces de leur mémoire pour les transmettre aux générations futures, c’est bien entendu le devoir de transmission que Zuili place au cœur de son œuvre puisqu’aujourd’hui encore, comme l’indique le sous-titre du livre, « il faut sauver les archives de l’oubli ». Le récit est introduit par une survivante, Yentl Perlmann, qui revient à Varsovie 74 ans après le soulèvement du ghetto pour témoigner devant des lycéens et se clôt avec les réactions touchantes de ces derniers.
L’album, dont le scénario a été relu par l’historienne Anne Grinberg, comprend en annexe trois pages documentaires rédigées par l’historien Georges Bensoussan, qui présente l’histoire du ghetto de Varsovie de 1939 à 1943. Un ouvrage important pour la mémoire, pour adultes et adolescents.
L’auteur intervient régulièrement dans les écoles pour parler de la résistance juive dans le Ghetto de Varsovie, d’Emmanuel Ringelblum, et du groupe Oyneg Shabos.
Lire la chronique de Patrick Klugman à l’occasion du 80e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie: « Que reste-t-il quand tout est perdu ? »