Après les massacres perpétrés par le Hamas dans le sud d’Israël en Israël le 7 octobre 2023, puis la riposte israélienne à Gaza, le nombre des actes antisémites a explosé en France.
De 436 en 2022, il est passé à 1676 cas recensés en 2023. Quasiment quatre fois plus.
Dès lors, les mezouzot, ces petits boitiers rituels que les Juifs accrochent traditionnellement aux montants de leurs portes, sont devenues depuis, une marque de judéité qui, au lieu de protéger ses occupants, peuvent susciter des attaques antisémites comme l’incendie de la porte de l’appartement d’un vieux couple juif le 19 octobre dans le 20e arrondissement de Paris.
Beaucoup de Juifs ont peur et retirent à contre-cœur leur mezouza de l’extérieur et la placent à l’intérieur. Certains toutefois s’y refusent pour ne pas se laisser gagner par la peur.
J’ai toujours été révolté par les diverses manifestations de l’antisémitisme en France. En tant que photographe, j’ai à chaque fois, documenté ce phénomène. Dans les années quatre-vingt, elles sont apparues sous la forme d’attentats perpétrés par des terroristes palestiniens (bombe devant la synagogue de la rue Copernic en 1980, mitraillage du restaurant Goldenberg, rue des Rosiers en 1982) déclenchant d’immenses manifestations de protestation. Mais l’antisémitisme et le négationnisme s’exprimaient aussi à travers le Front National, l’inquiétant part d’extrême droite de Jean-Marie Le Pen.
Depuis les années quatre-vingt-dix, nous assistons à l’émergence d’un nouvel antisémitisme, cette fois venu de Français d’origine arabo–musulmane et de militants de la gauche radicale.
Sans évoquer, bien-sûr, l’idéologie antisémite des mouvements islamistes (salafistes, fréristes…) et le terrorisme islamiste qui a durement frappé les juifs de France (tuerie à l’école Ozar ha-Torah de Toulouse en 2012, prise d’otage à l’HyperCacher de la porte de Vincennes à Paris en 2015).
Depuis le 7 octobre, je me suis demandé comment je pouvais montrer ce phénomène sans pour autant mettre en danger les personnes concernées. Lorsque j’ai appris que certains Juifs avaient peur et retiraient leur mezouza et certains, même, leurs noms de famille de leur boite à lettres, j’ai eu l’idée de photographier les traces de ces mezouzot une fois enlevées et de les photographier là où ces personnes les plaçaient provisoirement (ou non) à l’intérieur de leur logement.
Je trouve tellement choquant d’en arriver à supprimer la trace de sa judéité! Cela rappelle de mauvais souvenirs.
J’ai commencé par en parler autour de moi, à des amis juifs puis j’ai lancé quelques pistes plus institutionnelles, sur une radio juive et à travers un message du Musée d’art et d’histoire du judaïsme à ses adhérents…
Aucune de ces pistes officielles n’a abouti.
Seuls mes contacts personnels ont fonctionné. D’abord grâce à un ami dont la fille, Hannah, étudiante a immédiatement accepté que je vienne chez elle et chez sa co-locataire.
Puis le bouche à oreille a fonctionné. Telle personne me recommandait à son fils, à une cousine âgée, etc. Mais cela avait les limites du cadre restreint de mes relations avec des Juifs observants.Cet essai photographique n’est donc pas représentatif de l’ensemble de la communauté juive mais d’un cercle élargi d’amis pratiquants ou juste croyants.
Je me suis demandé pourquoi j’avais eu tant de mal à me faire aider de façon plus officielle. Est-ce parce que les institutions juives ne souhaitent pas donner cette image de Juifs qui ont peur? Je peux d’ailleurs comprendre ce point de vue politiquement parlant mais en tant que photo-journaliste et comme artiste, j’essaie de laisser des traces des événements qui marquent nos sociétés. Et qui personnellement me touchent.
Les événements du 7 octobre, s’ils ont été traumatisants pour les Israéliens et pour nous, Juifs de la diaspora, n’auraient pas dû générer ce sentiment d’insécurité, voire de peur, ici en France ou ailleurs en diaspora. Or c’est ce qui s’est produit du fait de l’importation du conflit israélo-palestinien qui attise la haine et conduit à ces actes antisémites.
Personnellement, je refuse d’avoir peur car c’est ce que cherchent à produire les auteurs de ces actes mais je comprends que des personnes âgées vivant seules et ayant l’habitude de se faire livrer à domicile ou que des familles habitant dans des banlieues populaires aient peur.