ļƒ‰
M

ThƩmatiques

Newsletter

Chaque semaine, recevez les dernières actualités de Tenoua

ƀ propos

Qui sommes-nous

L'Ʃquipe

Les partenaires

Contact

Archives

Informations

Mentions lƩgales

ImpĆ©ratifs !
PubliƩ le 14 dƩcembre 2020

4 min de lecture

Ā© MichaĆ«l Amzalag photographed by Rafael Usubillaga in front of Ā« Lion vis‐​a‐​vis Tiger at Deyrolle Ā» by William Rolf, 2020

***
Message Ć  une ancienne addict

TANIA ROSILIO

Ta madeleine de Proust a l’allure
d’un flacon de plastique blanc
au design minimaliste. 500 ml
et un bouchon colorƩ qui fait la
diffƩrence.
Natural formula Moistuiring and
styling hair cream.

Le reste c’est de l’hĆ©breu et la
promesse de lendemains qui
chantent.

Quand es‐​tu arrivĆ©e Ć  faire de
ce pƩriple en Superpharm un
incontournable de tes sƩjours de
jeune touriste ? Tu as tout oubliĆ©.
Pas l’odeur, mi‐​lessive assouplissante
mi‐​parfum de fleurs bon marchĆ© qui
embaume tes sorties d’adolescente.

Natural Formula, c’est le nombre
de jeans et sandales sacrifiƩs pour
en emplir ta valise au retour des
vacances. Un max. Pour les copines.
Comme dans un sketch Ikea.

Natural formula, c’est un peu ton
cache‐​misĆØre. D’IsraĆ«l il te manque
la langue, mais tu en as la tignasse
et tu en joues sans dire mot dans la
rue, juste pour que l’on te parle en
hƩbreu.

Natural formula c’est le silicone de
ta jeunesse, la crĆØme qui colle Ć  ton
insouciance.

Tu as 40 ans, ta chevelure n’est pas
plus disciplinƩe. Mais tu laisses ton
coiffeur l’embarquer dans un bain
de botox. Qu’importe la promesse,
pourvu que l’on y croie.

***
C’est quoi Ć§a ?

NATHANAƋL ROUAS

Non mais attends, c’est quoi Ƨa ?
Ƈa.
LĆ .
Putain…
Pas maintenant, pas Ć  moi.
Pas par un beau matin de printemps,
comme Ƨa, sorti de nulle part, sans
prƩvenir, sur un fond de Bill Withers en
train de chanter A lovely day.
Je suis trop jeune.
Je veux pas du tout passer le cap moi. On
m’a pas demandĆ© mon avis.
Je veux continuer Ć  ĆŖtre insouciant, Ć 
m’amuser, Ć  ĆŖtre sur la phase ascendante de
ma vie.

J’ai envie de pouvoir tomber amoureux
d’une fille qui n’a aucun rapport avec moi
sans me poser la question de savoir si elle
peut ĆŖtre la mĆØre de mes enfants. J’ai encore
envie de commander une dernière tournée
de shots Ć  4 heures du matin en pensant
que c’est une super bonne idĆ©e, et de me
lever Ć  midi le lendemain sans me dire que
je dĆ©conne. J’ai envie de pouvoir me barrer
d’un boulot sans avoir peur de ne pas en
trouver un autre derriĆØre.

Je veux pas mettre de cravate, je veux
pas mettre de costume, je veux pas ĆŖtre
prudent, je veux pas être fatigué, je
veux pas faire attention, je veux pas de
responsabilitƩs.
J’ai encore plein de choses Ć  faire dans la
vie et je ne veux pas qu’elle commence Ć 
s’arrĆŖter.
Mais en m’approchant du miroir, je suis
bien obligĆ© de l’accepter.
Ƈa y est.
J’ai un putain de poil blanc dans la barbe.

Dans la tĆŖte de NathanaĆ«l, le jour de ses 32 ans, 3 mois et 12 jours.

***
J’ai un problĆØme avec mes cheveux

TALILA

Il n’y a pas longtemps, j’ai lu un petit livre trĆØs drĆ“le de Nora Ephron dont le titre m’avait attirĆ©e : J’ai un problĆØme avec mon cou. J’ai, moi aussi, un problĆØme avec mon cou mais plus encore avec mes cheveux. En effet, ils sont frisĆ©s Ć  la mĆ©tĆØque, mais ni d’Afrique ni d’ailleurs. Ils n’ont aucune identitĆ© reconnaissable et, depuis mon adolescence, je fais des efforts surhumains pour tenter de les occidentaliser, de leur donner un brillant civilisĆ©. Les coiffeurs qui se penchent avec plus ou moins de bienveillance sur mon Ā« problĆØme Ā» ont toujours ce mĆŖme air dubitatif et dĆ©solĆ© devant le spectacle navrant qu’offre ma chevelure :
« - Le cheveu frisé est un cheveu malade
- Il faut le nourrir.
- Qu’est-ce qu’il boit, votre cheveu !
- Utilisez-vous les bons produits ? Ā»

Ɖvidemment ils essaient de me fourguer tout ce qu’ils ont en magasin, de l’huile miraculeuse au shampooing hyper‐​nourrissant. J’ai tout essayĆ© : des produits africains vendus par les chinois de ChĆ¢teau Rouge aux Ć©lixirs sophistiquĆ©s et ruineux dont on parle dans les magazines fĆ©minins les plus chics : rien n’y fait. Mes cheveux font de la rĆ©sistance et refusent la naturalisation, ils veulent rester ce qu’ils sont : frisottĆ©s et crĆ©pus, botte de foin ou balai O‑CĆ©dar, c’est selon.

Quelques‐​unes de mes amies aux cheveux raides et soyeux, qui ont ce si joli mouvement de la tĆŖte pour remettre une mĆØche en place, ne comprennent pas mon acharnement et trouvent mĆŖme de la beautĆ© Ć  cet amas broussailleux qu’elles tentent elles‐​mĆŖmes d’obtenir en utilisant force bigoudis et fers Ć  friser. Nous discutons Ć¢prement Ć  ce sujet et j’avance toujours ma batterie d’arguments : l’impossibilitĆ© de se coiffer, la nĆ©cessitĆ©, Ć  partir d’un certain Ć¢ge, de ne plus apparaĆ®tre comme une vieille Ć©tudiante Ć©bouriffĆ©e. Mais je sens bien qu’elles me reprochent de vouloir me fondre dans la masse, de blanchir mes origines, lisser mes aspĆ©ritĆ©s. Je me souviens jusqu’à aujourd’hui d’une camarade d’école communale, coiffĆ©e d’anglaises impeccables et bondissantes retenues par un ruban de cĆ“tĆ©, sorte de mĆ©lange rĆ©ussi du lisse et du contournĆ©, et qui plus est trĆØs bonne Ć©lĆØve, surtout en calcul. J’en ai oubliĆ© beaucoup d’autres, mais elle, qui se prĆ©nommait Monique, je la revois trĆØs distinctement : elle a dĆ» rester dans ma mĆ©moire comme un idĆ©al où se mĆŖlent confusĆ©ment rĆ©ussite capillaire et excellence scolaire, sans compter que ses parents Ć©taient boulangers‐ pĆ¢tissiers avenue de Clichy et qu’elle devait ingurgiter, autant qu’elle le dĆ©sirait, des montagnes de gĆ¢teaux crĆ©meux. J’enviais ses cheveux, ses gĆ¢teaux, sa jolie boulangerie‐​pĆ¢tisserie si franƧaise. J’ai rĆ©glĆ© sans trop de difficultĆ©s le problĆØme des gĆ¢teaux mais il me reste toujours celui de mes cheveux qu’il me faudrait peut‐​être soumettre Ć  quelqu’un d’autre qu’un coiffeur.