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Axelle Tessandier, hyperactive alliƩe

Depuis le 7 octobre, au sein de la rĆ©daction de Tenoua, on a parfois l’impression que le pire s’ajoute au pire (chaque reconnexion sur les rĆ©seaux sociaux engendre ulcĆØres et torticolis), que la complexitĆ© est portĆ©e disparue, que l’espoir se trouve dans… le sucre. Mais aussi, en donnant la parole Ć  des femmes et des hommes qui s’engagent pour que l’on ne soit plus si seuls. 

Axelle Tessandier fait partie des rares personnes Ć  prendre la parole contre l’antisĆ©mitisme, Ć  relayer des tĆ©moignages de victimes israĆ©liennes du 7 octobre, Ć  se sentir concernĆ©e par le sort des personnes juives. Depuis le 7 octobre, ses publications sur les rĆ©seaux comme sa prĆ©sence dans la rue nous sauvent du repli communautaire. Portrait.

PubliƩ le 18 octobre 2024

5 min de lecture

Axelle Tessandier

Je ne sais pas depuis combien de temps, je suis l’actualitĆ© d’Axelle Tessandier. Je sais simplement que je ne me sens pas Ć©trangĆØre Ć  la ligne Ć©ditoriale de son compte Instagram qui fĆ©dĆØre prĆØs de 20.000 abonnĆ©s. CinĆ©phile, elle dĆ©vore des films comme Anatomie d’une chute de Justine Triet, la sĆ©rie assez visionnaire La FiĆØvre d’Eric Benzekri, le documentaire d’Arte sur l’histoire de l’antisĆ©mitisme signĆ© Jonathan Hayoun. Elle s’indigne de la montĆ©e en puissance du RN, de l’impossible condition des femmes afghanes, partage les combats des jeunesses iraniennes face au rĆ©gime des mollahs, lit Salman Rushdie comme Charlie Hebdo et cite rĆ©guliĆØrement Simone Veil, Delphine Horvilleur, Joann Sfar et Kamel Daoud, ses ā€œrepĆØres pour penserā€. ā€œJe suis une gĆ©nĆ©raliste curieuse, pas une experte. Par exemple, je vais regarder la sĆ©rie-documentaire sur DJ Mehdi et, pendant quatre jours, je vais ĆŖtre Ć  bloc, je vais avoir l’impression que cet homme, c’est toute ma vieā€, clarifie‐​t‐​elle, mains en mouvement et boucles d’oreilles qui tanguent. 

Depuis le 7 octobre, Axelle Tessandier soutient le droit des IsraĆ©liens et des Juifs du monde Ć  pleurer leurs morts, Ć  dire leur dĆ©sarroi et Ć  vivre en sĆ©curitĆ©. ā€œCe week-end-lĆ , j’ai vu passer une publication sur les rĆ©seaux sociaux, il Ć©tait Ć©crit en anglais: si vous avez un ami juif, prenez de ses nouvelles. J’ai donc Ć©crit Ć  une amie avec laquelle je n’avais pas Ć©changĆ© depuis plusieurs mois, je lui ai dit que j’étais lĆ ā€

DĆØs le 7, elle prend conscience de la solitude des Juifs de France et du monde. ā€œJe crois que j’étais naĆÆve, je ne m’attendais pas Ć  une telle violence, Ć  un tel silence de ceux qui s’insurgent pour tout, y compris pour un buisson coincĆ© sur l’autoroute. Je n’imagine pas la douleur de toutes les personnes ancrĆ©es Ć  gauche et militantes dans des cercles fĆ©ministes quand elles ont dĆ©couvert les propos de leur famille choisieā€. Comment expliquer un tel revirement ? L’antisĆ©mitisme dĆ©bridĆ© de l’extrĆŖme gauche ? Selon Axelle Tessandier, tout est dĆ©jĆ  Ć©crit dans les livres d’histoire et, il serait bon de se relire pour ne pas rĆ©pĆ©ter les erreurs du passĆ©. ā€œLa gauche radicale est aveuglĆ©e par une idĆ©ologie anti-impĆ©rialiste, un romantisme rĆ©volutionnaire… Judith Butler [philosophe fĆ©ministe et queer qui a niĆ© les viols du 7 octobre et a qualifiĆ© le Hamas d’organisation de rĆ©sistance] a affirmĆ© que le Hamas et le Hezbollah faisaient partie de la ā€˜global left’. Staline, Mao et Pol Pot Ć©taient eux aussi des idoles en Occident jusqu’à ce que l’on ouvre les yeux et que l’on dĆ©couvre l’ampleur de leurs crimes. ƀ l’époque, ils avaient peut-ĆŖtre l’excuse de ne pas savoir, aujourd’hui, c’est quoi leur excuse?ā€

Depuis le 7 octobre, de nombreux Juifs de France ont perdu des amis. Axelle Tessandier aussi. ā€œMais, je ne suis pas tombĆ©e de trĆØs haut parce que je n’ai jamais Ć©tĆ© insĆ©rĆ©e dans des milieux militantsā€, relativise‐​t‐​elle. La quarantenaire, qui avait Ć©tĆ© porte‐​parole du futur prĆ©sident de la RĆ©publique pendant la campagne de 2017, se refuse Ć  adhĆ©rer Ć  un parti, un cercle, un groupe. Une fois la campagne terminĆ©e, ā€œj’ai eu envie de retrouver ma voix, ma libertĆ©ā€. Quelques mois plus tard, elle relatait son expĆ©rience de ā€œmarcheuseā€ dans un livre Ć©coulĆ© Ć  10.000 exemplaires. ā€œSi vous lisez ma biographie, tout est vrai mais rien n’est juste. Oui, on est le fruit de sa biographie mais nos identitĆ©s sont complexes et ne se rĆ©duisent pas Ć  quelques expĆ©riencesā€. Ne pas rester en place pour Ć©chapper Ć  la cornerisation identitaire. S’informer, oui : Ć©couter la radio, regarder des Ć©missions grand public, suivre les couvertures des journaux Ć©trangers, lire les principaux quotidiens franƧais, observer les positions de ceux qui produisent sur les rĆ©seaux. Surtout ne pas s’installer quelque part. Papillonner dans le bon sens du terme. 

Le 8 octobre, un ami l’appelle pour l’informer d’une marche organisĆ©e en soutien Ć  IsraĆ«l. Sans hĆ©sitation aucune, elle investit le pavĆ© : ā€œje crois que j’étais l’une des seules personnes non juives, cette solitude m’a sidĆ©rĆ©e. Est-ce que j’aurais Ć©tĆ© aussi prĆ©sente cette annĆ©e si je n’avais pas ressenti une si grande solitude?ā€, s’interroge-t-elle, le regard flou. 

Depuis la catastrophe, elle n’a pas cessĆ© de poster. D’abord le 8 octobre, elle partage la Une de LibĆ©ration consacrĆ©e aux victimes des massacres et adresse un mot aux ā€œFranƧais de confession juive puisqu’ils ont conscience qu’il faudra renforcer la sĆ©curitĆ© des synagogues ici mĆŖme. Il en est ainsi, et ceux qui nient le pont vite franchi entre antisionisme et antisĆ©mitisme le saventā€. Quelques jours passent et Axelle Tessandier relaie les propos de journalistes, d’intellectuels, de penseurs qu’elle reconnaĆ®t comme ses pairs : ā€œViser des Juifs en France, quelle que soit la situation politique en IsraĆ«l, Ƨa n’est pas l’importation d’un conflit. Non. C’est l’internationale de l’antisĆ©mitisme meurtrier, qui n’en a jamais fini de montrer sa gueule immondeā€, avait dĆ©clarĆ© sur France Inter Anne Rosencher, directrice dĆ©lĆ©guĆ©e de la rĆ©daction de L’ Express. Dans le contexte de la marche contre l’antisĆ©mitisme du 12 novembre 2023, elle affirme une nouvelle fois son engagement contre l’antisĆ©mitisme en Ć©crivant : ā€œIl s’agit de combattre la haine, le poison qu’on avale en pensant rendre l’autre malade, de faire corps pour rĆ©affirmer ce dont nous sommes garantsā€. Pas question de ne rien dire. MĆŖme quand elle craint les rĆ©actions que pourraient susciter ses publications, ā€œje ne peux pas rester silencieuse, j’aurais peur de ne plus pouvoir me regarder dans une glaceā€.

ƀ l’approche du 8 mars 2024, elle rejoint les GuerriĆØres de la Paix, une association de femmes qui militent pour le dialogue interculturel et interreligieux et qui ont rĆ©cemment rĆ©uni Ć  Paris des activistes de la paix palestiniens et israĆ©liens au Théâtre de la Colline. Mais, fidĆØle Ć  ses principes, elle ne dure pas. 

Depuis un an, on lui demande rĆ©guliĆØrement si elle est juive, si elle n’aurait pas une histoire juive Ć  exhumer. Comment expliquer qu’une personne non juive s’empare du sujet de la haine des Juifs ? ā€œPeut-ĆŖtre, est-ce l’influence de Jacqueline Saveria, ma marraine arrĆŖtĆ©e par la Gestapo et dĆ©portĆ©e Ć  Ravensbrück parce son mari Ć©tait rĆ©sistant, avec laquelle je passais de nombreux dimanches?ā€ Est‐​ce liĆ© aux tĆ©moignages de rescapĆ©s de la Shoah qu’elle lisait quand elle Ć©tait adolescente ? ā€œJe crois que je ne parviens toujours pas Ć  comprendre qu’une telle atrocitĆ© ait pu se produireā€, confie‐​t‐​elle, la voix nouĆ©e.

Comment comprendre qu’elle prenne la parole sur ce sujet, Ć  l’instar de Caroline Fourest ? ā€œIl y a quelque chose de vertigineux Ć  poser cette questionā€. Comme s’il y avait quelque chose de contre‐​intuitif Ć  son engagement. ā€œPourquoi devrais-je faire partie de la communautĆ© pour faire preuve d’empathie? La lutte contre l’antisĆ©mitisme, Ƨa ne doit pas ĆŖtre une cause qui touche uniquement les Juifs. Tous les citoyens franƧais doivent le combattreā€, assure‐​t‐​elle, presque excĆ©dĆ©e de rappeler ces Ć©vidences. Elle poursuit : ā€œRĆ©guliĆØrement, on me remercie pour mes prises de parole. Pourquoi devrais-je ĆŖtre remerciĆ©e pour quelque chose qui est normal?ā€

Pourquoi ne sont‐​ils pas plus nombreux Ć  marcher contre l’antisĆ©mitisme ? ƀ manifester de l’empathie pour toutes les victimes ? Axelle Tessandier mise sur la majoritĆ© silencieuse, une majoritĆ© terrifiĆ©e qui n’ose pas prendre la parole par peur des reprĆ©sailles. ā€œAujourd’hui, 75% de FranƧais dĆ©clarent que la lutte contre l’antisĆ©mitisme est l’affaire de tous. Mais, où sont ces 75% de FranƧais? Pourquoi ne les entend-on pas?ā€ Sans attendre une rĆ©ponse, elle suggĆØre : ā€œJ’ai le sentiment que quand on demande la libĆ©ration des otages, quand on tĆ©moigne de l’empathie pour des personnes massacrĆ©es et assassinĆ©es par des terroristes, on est considĆ©rĆ©s comme prenant parti pour un camp. Ce n’est pas le cas. Contrairement Ć  ce que les militants LFI cherchent Ć  faire croireā€. Axelle Tessandier, espĆØre ouvrir la voie pour que d’autres puissent sortir du silence dans lequel ils se murent depuis plus d’un an. ā€œPeut-ĆŖtre que mes publications pourront donner du courage Ć  d’autresā€. ƀ nous, elles donnent de l’espoir.