La France célèbre, ce 6 juin, le Débarquement allié en Normandie qui signe l’amorce d’une défaite nazie. Dans les jours qui viennent, on va honorer, à juste titre les héros d’alors, venus des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni et d’ailleurs s’échouer sur les plages du Calvados et de la Manche pour libérer la France puis l’Europe.
Pour autant, le Débarquement ne signifie pas alors, pour les Juifs de France, la fin du calvaire. Ils sont 3119 Juifs, dont 564 enfants à avoir été déportés après cette date, dans les convois 76 à 81 partis de Drancy, Lyon, Compiègne, Toulouse à destination d’Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Buchenwald. De ces 3119 déportés, seuls 828 survivront.
Le convoi 76 part de Drancy le 30 juin 1944 avec 1148 déportés dont 165 enfants à destination d’Auschwitz. La liste originale du convoi n’existe plus. Dès l’arrivée le 4 juillet, 479 déportés dont les 89 enfants de moins de 13 ans sont immédiatement assassinés dans les chambres à gaz. Parmi eux se trouvent les trois derniers enfants d’Izieu non encore déportés: Lucienne Friedler (5 ans) et les sœurs Claudine (5 ans) et Mina (8 ans) Halaunbrunner. Elles avaient été raflées comme leurs 41 camarades et 6 adultes le 6 avril 1944 par la Gestapo sous les ordres de Klaus Barbie. Deux tiers des déportés de ce convoi sont de nationalité français (contre un tiers en moyenne). 398 hommes sont sélectionnés pour le travail (matricule A.16537 à A.16934) et envoyés à Monowitz. 223 femmes sont sélectionnées pour le travail et envoyées à Birkenau (matricules A.8508 à A.8730). À l’issue de la guerre, il y a 248 survivants de ce convoi.
Le convoi 77 est le dernier convoi de masse de Drancy à Auschwitz Birkenau, moins de trois semaines avant la libération de Drancy. Il part de Bobigny le 31 juillet avec 1310 déportés dont 324 enfants. Parmi les déportés figurent 232 enfants raflés du 22 au 24 juillet par Aloïs Brunner dans les maisons de l’UGIF de la région parisienne. À l’arrivée le 3 août, 291 hommes sont tatoués des numéros B-3673 à B-3963 et 183 femmes sont tatouées des numéros A-16652 à A-16834, tandis que 836 déportés sont immédiatement assassinés dans les chambres à gaz. Parmi les déportés se trouve Alain Blumberg, né le 17 juillet 1944 dans le camp de Drancy, déporté dans une caisse en bois servant de berceau, à l’âge de 14 jours. À l’issue de la guerre en 1945, on compte 250 survivants du convoi 77. Depuis des années, l’association Convoi 77, fondée par Georges Mayer, fils d’Alex Mayer, arrêté à l’âge de 35 ans à Vichy et déporté par le convoi 77, s’attache à faire vivre la mémoire des déportés de ce convoi en accompagnant des élèves de collège et de lycée pour écrire les biographies des déportés. À ce jour 437 biographies ont été publiées dans une vingtaine de pays et 294 sont en cours d’étude.
Le convoi 78, un des rares convois de déportation composé de wagons de voyageurs de 3e classe, part de Lyon le 11 août 1944 avec environ 600 déportés dont au moins 308 Juifs parmi lesquels on compte au moins 27 enfants. La liste originale de ce convoi n’a jamais été retrouvée et n’a été que partiellement reconstituée lors du procès de Klaus Barbie en 1987. Il semble qu’un certain nombre de femmes juives ont réussi à dissimuler leur judéité et ont été déportées comme détenues politiques. 222 déportés non Juifs sont extraits du train à Rothau en Alsace pour être internés au camp de Natzweiler-Struthof. Plus tard, un wagon de 64 femmes françaises est dirigé vers Ravensbrück tandis que les quatre wagons transportant les déportés juifs sont attachés à un train à destination d’Auschwitz-Birkenau où il parviennent le 22 août et son dirigés vers le “camp des tziganes”. Le 7 septembre, une sélection a lieu: 117 hommes (tatoués des numéros B-9622 à B-9738) et 63 femmes (tatouées des numéros A-25278 à A-25340) sont choisis pour le travail forcé. 93 personnes de ce convoi survivent à la guerre, parmi lesquels les deux enfants Jacques Benayoun, 13 ans, et Charles Zajtman, âgé de 11 ans, qui est le plus jeune survivant de France en 1945.
Le convoi 79 quitte Compiègne le 17 août 1944 pour déporter des prisonniers politiques, résistants, francs-tireurs, maquisards ou victimes de rafles de représailles. Aloïs Brunner y ajoute un wagon de 51 prisonniers politiques juifs de Drancy, dont deux enfants de la famille Kohn. Au total, ce sont 1255 déportés qui arrivent à Buchenwald le 22 août, parmi lesquels Robert Antelme et Marcel Dassault (Bloch). Sur les 51 déportés juifs de ce convoi, 20 hommes et 2 femmes s’évadent du train et 13 déportés sont encore vivants à la fin de la guerre. Sur la totalité du convoi, seule une moitié survivra à la déportation.
La liste 80 (259 déportés dont 77 enfants) comporte plusieurs sous-listes parmi lesquelles après le Débarquement:
– la liste 80C qui compte 48 épouses de prisonniers et 1 enfant, déportés le 21 Juillet 1944 de Drancy vers Bergen-Belsen – 48 sont vivants à l’issue de la guerre.
– la liste 80D qui compte 45 épouses de prisonniers et 19 enfants, dons des enfants raflés par Brunner dans les centres de l’UGIF, déportés le 23 Juillet 1944 de Drancy vers Bergen-Belsen – 56 sont vivants à l’issue de la guerre.
Le convoi 81 emmène 1189 déportés dont 189 Juifs parmi lesquels au moins 26 enfants, le 30 Juillet 1944 de Noé à Toulouse puis vers Buchenwald et Ravensbrück – 98 dont 20 enfants sont vivants à l’issue de la guerre.
Le 31 août 1944, Paris est libérée.
Les chiffres des déportés et des survivants ainsi que les informations sur les convois proviennent de:
1. Mémorial des 3 943 rescapés juifs de France, Alexandre Doulut, Serge Klarsfeld et Sandrine Labeau, 2018, The Beate Klarsfeld Foundation/FFDJF/Après l’oubli.
2. Mémorial de la Déportation des Juifs de France, 1978/2012, Serge et Beate Klarsfled/FFDJF
3. Le Mémorial des enfants juifs déportés de France, Serge Klarsfeld, 1995, The Beate Klarsfeld Foundation/FFDJF
4. Le Mémorial des enfants juifs déportés de France / French Children of the Holocaust – A Memorial, Tome 2, Serge Klarsfeld, 1996, The Beate Klarsfeld Foundation/FFDJF
5. Auschwitz Chronicle, Danuta Czech, 1989, Henry Holt, New York
6. La base de données “Déportations” de Yad Vashem
7. Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France en ligne, Serge Klarsfeld – Jean-Pierre Stroweis
Pour comprendre les légères variations du nombre de rescapés au fil des ans, vous pouvez vous reporter aux explications en page 15 du Mémorial des 3943 rescapés juifs de France.
Les images sont issues du Mémorial des enfants juifs déportés de France de Serge Klarsfeld (1995/1996)