Jeudi 19 octobre, le site du magazine américain ArtForum publiait une “lettre ouverte de la communauté artistique aux organisations culturelles”, dans laquelle plus de 4.000 artistes du monde entier appellent notamment à “l’arrêt immédiat des meurtres et blessures infligés à tous les civils, à un cessez-le-feu immédiat, à l’acheminement d’une aide humanitaire à Gaza, et à la fin de la complicité de nos gouvernements dans de graves violations des droits de l’homme et crimes de guerre.” Le texte se poursuit ainsi: “Nous demandons que le silence institutionnel entourant la crise humanitaire actuelle que vivent 2,3 millions de Palestiniens dans la Bande de Gaza occupée et assiégée soit brisé immédiatement”.
Nous aimons beaucoup ArtForum, alors nous l’avons relu deux fois, trois fois, mais non, rien. Ce texte qui veut “briser le silence” est absolument mutique sur le massacre, le viol systématique, les tortures, les mutilations et les enlèvements de civils israéliens, du bébé au vieillard, le 7 octobre. Ça ne coûtait pourtant pas grand chose de dénoncer au moins aussi les actes à la Daesh du Hamas, mais non, silence.
Heureusement, la revue artistique israélienne Erev Rav, dont le but est “de faire progresser le discours sur l’art et de soutenir une discussion multiculturelle, démocratique et pluraliste sur la culture”, a publié dimanche 22 octobre une lettre ouverte en réponse, intitulée “Les deux devraient aller de pair”, que nous vous proposons de lire ici en français. Cette lettre, et que vous pouvez lire en anglais et signer en ligne, est signée par plus de 2.600 artistes et intellectuels, dont certains que vous connaissez bien si vous lisez Tenou’a*.
* Notamment: David Adika, Ido BarEl, Boaz Aharonovitch, Vered Aharonovitch, Andi Arnovitz, Ilit Azoulay, Yael Azoulay, Ronit Baranga, Yael Bartana, Hilla Ben Ari, Siona Benjamin, Deganit Berest, Eliahou Eric Bokobza, Zoya Cherkassky, Sharona Eliassaf, Gal Gaon, Tsibi Geva, Moran Kliger, Jossef Krispel, Gillian Laub, Orly Maiberg, Adi Nes, Boaz Noy, Sharon Poliakine, Tal R, Orit Raff, Gilad Ratman, Meital Raz, Roee Rosen, Gideon Rubin, Nir Segal, Gil Shachar, Zamir Shatz, Marie Shek, Pamela Silver, Rona Stern, Pavel Wolberg, Amon Yariv, Shai Yehezkelli, Maya Zack, Raphael Zagury-Orly…
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LETTRE DE MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ ARTISTIQUE RÉPONDANT À LA LETTRE OUVERTE DE LA COMMUNAUTÉ ARTISTIQUE AUX ORGANISATIONS CULTURELLES
Nous, membres de la communauté artistique, sommes attristés et déçus par la Lettre ouverte de la communauté artistique aux organisations culturelles, publiée dans plusieurs grands magazines artistiques tels que Artforum, Hyperallergic et ArtLeaks, et par l’absence flagrante de toute mention du massacre odieux perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre. La lettre a été signée par de nombreux collègues et amis, des individus avec lesquels nous partageons de nombreux idéaux et et des luttes communes. L’omission de toute reconnaissance substantielle et de toute condamnation des actes du Hamas a ajouté à la profonde tristesse, au traumatisme et au désespoir que nous ressentons à la suite du 7 octobre.
En cette journée sanglante, des Juifs israéliens, des citoyens palestiniens d’Israël et des ressortissants étrangers ont été assassinés et enlevés sans discrimination. Le massacre de centaines de personnes lors d’une fête, le viol, la brutalisation, la mutilation de corps, la torture d’enfants, l’extermination de familles entières, le meurtre de travailleurs médicaux, ne peuvent être décrits comme autre chose que comme un crime contre l’humanité.
Ce qui est plus bouleversant encore, c’est l’absence totale de mention de plus de 200 personnes enlevées, la plupart d’entre elles des civils, y compris des bébés, des enfants, des personnes âgées et malades. Ceux qui ont signé la lettre demandent un cessez-le-feu pour des raisons humanitaires. Mais, dans la lettre, les otages ne font pas partie de l’humanité pour laquelle ils plaident. Par omission, ils légitiment l’enlèvement de civils. Oui, nous acceptons et soutenons les appels à mettre fin à la violence, à soutenir la libération de la Palestine, à mettre fin à l’occupation (comme nous le faisons depuis des années) et à cesser le meurtre de civils à Gaza et ailleurs. En ignorant les droits de tous ceux qui vivent en Israël, c’est comme si les signataires de la lettre déshumanisaient tous ceux qui vivent en Israël, les neuf millions de personnes qui ont le droit d’exister.
Donner mille détails sur la situation de Gaza pour ensuite ne faire qu’une déclaration générale condamnant la violence de toutes parts sans la moindre mention des horreurs du 7 octobre sape la position morale prise par les signataires de la lettre. La lutte pour la libération et la liberté devrait être un effort partagé impliquant tous ceux qui croient en ces principes, luttant ensemble pour les atteindre. Il est essentiel de reconnaître la souffrance de tous plutôt que d’adhérer à des idéologies fondamentalistes extrémistes qui nous ont amenés jusqu’à ce moment déchirant de l’Histoire.
Il ne devrait y avoir aucune contradiction entre s’opposer fermement à l’occupation israélienne et à la crise humanitaire à Gaza, et condamner sans équivoque des actes brutaux de violence contre des civils innocents en Israël ; les deux devraient aller de pair.