Cette image est l’une des 53 photos intégrées au rapport du général Jürgen Stroop, intitulé Le Quartier juif de Varsovie n’existe plus, qui rendait compte aux hauts dignitaires SS de la liquidation définitive du ghetto de Varsovie après son insurrection en avril-mai 1943. Après avoir fait partie de la documentation du procès de Nuremberg, cette photo est restée longtemps ignorée du grand public. À partir des années soixante, et surtout quatre-vingt, elle est de plus en plus utilisée pour illustrer des couvertures de livres et de magazines sur la Shoah; au fil du temps, la photo est recadrée, le petit garçon isolé du reste de la foule, souvent extrait de son contexte historique. À partir des années 2000, l’image ainsi vidée de son histoire est récupérée, détournée et utilisée comme symbole de la victime universelle, y compris dans de scandaleuses comparaisons avec Gaza. C’est l’un des risques des photos devenues icônes: une perte de substance qui peut mener à l’inversion totale de leur signification.
Extrait de l’article de Brigitte Sion, “Ces images devenues symboles de la Shoah”, publié dans le numéro hors-série de Tenou’a de 2015, Yom HaShoah, 70 ans après.