Les otages vivants sont revenus.
Pourtant la joie n’est pas sans voile. Nous nous retrouvons maintenant avec des fantômes. L’apparence fantomatique des corps des otages libérés. Les affiches des otages désormais caduques sur tous les abribus et les ronds points, qui suivent du doigt le paysage d'Israël comme des points de suture. Les chaises vides et les rubans jaunes qui nous rappellent deux ans d’attente. Et bien sûr, les fantômes des corps qu’on ne nous a pas rendus et qu’on ne peut toujours pas enterrer.
Ces mots sont dédiés aux parents de Tamir Nimrodi, qui ne reverront pas leur petit.
Vendredi matin, erev shabbat. Un matin calme dans le Negev. Les oiseaux chantent. Les pierres des plateaux de l’immense désert, sentent le sel. L’air est encore doux, et le ciel fidèlement bleu.
Bientôt il fera trop chaud pour regarder le soleil dans les yeux.
Partout autour, le silence, le silence, le silence.
Cela me fait du bien de tourner le regard un peu vers ce beau immuable.
Oui la nature est irrémédiablement belle, quoi qu’il se passe sur la surface de cette terre, quoi que l’on se fasse les uns aux autres, dans le petit théâtre des hommes.
Oui quoi que l’on se fasse les uns aux autres, tant qu’elle n’explosera pas en boule de feu dans l’espace impassible, la terre continue de nous enseigner en silence, par sa seule beauté qui continue imperturbablement de se donner, la générosité de la compassion.
Ce matin, je bois à ses mamelles de silence pour reprendre un peu de forces.
Vendredi dernier, le shabbat juste avant Simhat Torah, aurait été le dernier où j’allumerai encore les bougies pour eux, le cœur trop lourd de savoir les otages encore là bas.
On l’avait appris la veille.
Le début de la fin
Depuis le début de cette guerre, j’apprends souvent les nouvelles au petit matin, par mes amis outre‐atlantique.
Jeudi matin, c’était un message d’Antoine qui m’avait chuchoté à l’âme ce qui, jusqu’à présent, avait semblé inatteignable, incroyable, sans issue.
Mais voilà que la nouvelle était là, presque aussi indéniable que leur captivité :
Un accord avait été conclu. Ils allaient être libérés.
Tous. Les vivants comme les morts.
Plus de listes. Plus de compte‐gouttes. Pas de cérémonie perverse, et personne qui reste derrière.
Il y a quelques mois, Guy et Eviatar étaient restés derrière. Mais pas seulement. Ils avaient été forcés à regarder, depuis une voiture de captivité, à cinq mètres du podium infâme, la libération d’Omer et des autres, tandis que l’un de leurs geôliers cagoulés les « interviewait » posément en dardant sa caméra immobile sur leurs petites têtes amaigries au crâne rasé, leur demandant l’air innocent « comment ils se sentaient », avant de diffuser au monde entier les images des jeunes otages déjà détenus sous terre depuis plus d’un an, suppliant les mains jointes, toute fierté envolée depuis bien longtemps, simplement qu’on les laisse rentrer chez eux, avant de les ramener dans les tunnels pour six mois de plus d’obscurité.
Quelques mois plus tard, le jour de Tisha be’Av, on avait vu une autre vidéo d’Eviatar. Devenu squelettique, le visage mangé par la barbe et les boucles noires désormais longues qui faisaient plus de volume que ses biceps émaciés, on le voyait presque nu dans un tunnel sombre, incarnant l’expression « la peau sur les os » que l’on voyait bien car il était seulement vêtu d’un vague slip noir, forcé à creuser péniblement, avec le peu de forces qui lui restaient, sa propre tombe, pour une vidéo que le Hamas allait ensuite envoyer à sa famille, et à nous.
Une image qui avait ému le monde entier, mais aussi, visiblement, les ennemis d’Israël, comme la jeune activiste du réchauffement climatique qui, lors d’un post accusant l’État juif de maltraiter ses prisonniers palestiniens, avait publié une photo d’Eviatar comme preuve à l’appui.
Après tant d’attente, deux ans, tant de faux espoirs, tant de négociations échouées, un réel doute quant à la volonté du Premier ministre israélien de mettre fin à cette guerre, et à l’intérêt du Hamas de rendre les otages, l’espoir s’était tant atrophié que j’attendais un peu avant de me réjouir de la nouvelle.
J’attendais avant de me réjouir.
Ce n’était pas le cas de tout le monde.
Le passage
Jeudi soir, 400.000 personnes étaient réunies à Tel Aviv sur Kikar haHatufim, la place des Otages.
David était là bas. Il m’a dit que cela lui faisait du bien d’être là. « Ça fait du bien de se sentir appartenir au Am, au peuple. »
Les gens étaient surexcités. Ils avaient besoin d’être ensemble ; de commencer à se réjouir, déjà, de libérer de l’adrénaline, même s’ils savaient que c’était encore un peu tôt, qu’il fallait être prudent.
Discours des Américains qui avaient réussi ce que mon gouvernement n’avait pu faire. L’envoyé de la Maison‐Blanche qui avait travaillé à toutes les négociations sans relâche – aux côtés, visiblement, comme je l’ai appris ce jour‐là, du gendre du président ; puis la fille dudit président en parfait brushing et Dieu nous bénisse ; des discours de bravo et de merci auxquels j’avais du mal à m’associer. Trop tôt, et un peu d’ambivalence.
Malgré ma gratitude, un léger malaise devant le triomphalisme policé et les remerciements dithyrambiques à un président absent dont on parlait presque comme d’un dieu qui brillait par son absence – il n’arriverait que le lundi, jour de la libération tant attendue.
La conscience de la part de cynisme inévitable dans l’opération héroïque et la générosité transnationale non dénuée d’intérêt internes.
Mais qu’importe. Il les avait fait revenir, et merci. C’est tout.
Vendredi, on a essayé d’ignorer l’attente. On se disait, ce sera peut‐être le dernier shabbat où on allumera les bougies pour eux, pour les otages. Le dernier Shabbat où je dresserai un couvert en plus, pour mieux marquer leur absence.
Le Tikkun
Et puis il y aura dimanche, et puis lundi. Ils devaient être libérés lundi matin, erev Simhat Torah.
Quel symbole.
Je m’émerveillais de la synchronicité si thérapeutique de la coïncidence des dates.
Notre monde avait basculé dans le chaos un Simhat Torah, et il y était resté coincé deux cycles de course autour du soleil.
Et voilà que les négociateurs avaient convenu de cette même date, Simhat Torah, pour leur libération. J’ai été étonnée aussi que le Hamas accepte. Ils auraient pu exiger une autre date juste pour nous blesser.
Je ne sais pas pourquoi cela a pu se faire comme ça. Mais là encore, peu importe. En tous cas ce sera bien erev Simhat Torah, et peu importent les raisons :
les symboles comptent, alors merci.
C’est comme si la lumière allait venir s’insérer juste dans ce petit point d’ombre, pour guérir, même ne serait‐ce qu’un peu, là où ça fait mal.
Je remercie pour le Tikkoun qui vient ne serait‐ce que de la date.
Alors lundi matin dans mon demi sommeil, je les voyais dans mon rêve en train d’être paradés, de joie cette fois, par nous cette fois, dans les rues de Jérusalem.
Ma mère, qui était venue me rejoindre pour Souccot, me retrouve au matin en pyjama devant l’ordinateur, collée devant les chaînes d’info en continu, pour essayer de voir, enfin, la libération.
Il n’y avait pas grande chose à voir, bien sûr.
À ce stade, ils étaient entre les mains de la Croix Rouge, « pour identification », dit le journaliste. Alors les télés en continu n’ayant pas grand chose à se mettre sous la dent, on passait des images de Kikar haHatufim plein, de nouveau, de la foule trépidante, des routes pleines de populations massées agitant de petits drapeaux en attendant le passage des voitures accompagnant les otages libérés, et de l’avion de Donald Trump qui s’apprêtait à atterrir.
Le seul événement, minuscule et magique comme leur écran de téléphone à ce moment‐là, de ce petit matin, c’étaient quelques bribes d’images de certains otages, alors que leurs geôliers, avant de les libérer, avaient appelé leurs familles sur WhatsApp, en mode selfie.
La télé israélienne n’en revenait pas. Ce n’était pas prévu dans le plan. Qu’est ce qui pourrait avoir poussé les geôliers du Hamas à appeler les parents pour leur passer leurs fils avant de les libérer ? Dernier geste de contrôle ? Acte surprenant de gentillesse ? Lumière ou obscurité des motifs humains, je ne cherche pas à comprendre.
C’était émouvant de voir la tête du petit disant, avec un faible sourire, « je vais bien, j’arrive » à sa maman pleine de joie au téléphone. Il ne se passait toujours pas grand chose et nous, on devait sortir, après tout on était erev Simhat Torah, et il fallait encore faire les courses et cuisiner le gâteau et les quiches et le riz parfumé qu’on allait emmener chez les amis, et on avait rendez‐vous au milieu pour bruncher avec David, parce qu’en même temps la vie continue, et on savait que ce serait comme ça pendant des heures, alors on a quitté l’écran.
Je savais que j’allais voir plus tard, sur tous les réseaux sociaux, des montages avec des enchaînements de retrouvailles.
C’était cela que je voulais voir.
Voir
Sur ce sujet, le sujet de voir, ma mère a exprimé, à un moment, une forme d’hésitation, de scrupule :
« Pourquoi fait-on cela au fond ? Pourquoi filmer, et montrer, ces images si émouvantes de retrouvailles, les parents qui sanglotent en serrant leur fils blêmes, les femmes qui poussent des cris entre oiseaux et lionnes, les amoureux qui s’embrassent sur la bouche ?
N’est ce pas, une fois de plus, ce voyeurisme de guerre, ce sensationnalisme de l’émotion que je déteste tant ? »
J’ai réfléchi un instant.
Je suis très sensible à ce type de glissements.
Non, je ne crois pas.
Je crois que, pour notre propre guérison, nous avions tous besoin de les voir.
En tous cas, moi j’avais besoin.
Nous avons tous et chacun vécu pendant deux ans, dans notre chair, avec la douleur de leur enlèvement, la culpabilité de leur disparition, et le tiraillement de leur manque. On a appris à les connaître par leur prénom et leur visage, par leur fiancée qui les attendait, par ce qu’ils aiment faire dans la vie, et ils en sont venus à faire partie de nos vies. Nous avons, pour certains d’entre nous, portés rubans et pins jaune pour les rappeler au souvenir de tous, nous avons manifesté pour qu’ils reviennent. Nous avons vécu nos joies avec le goût amer laissé par la culpabilité du survivant, et la douleur sourde de leur absence comme le membre fantôme d’un corps amputé.
Ce corps, je l’avais écrit lorsqu’on avait marqué leur centième jour de captivité, c’était bien le nôtre, à nous tous et à chacun d’entre nous.
Notre corps collectif en tant que société israélienne, et en tant que peuple juif.
Il est très réel, ce corps. Il se vit en chair et en rituels, en chaises jaunes vides dans les banques et dans les salles d’attente du docteur, en prière « nos frères » chantée pour les captifs dans presque chaque synagogue, en affiche quand on ouvre l’application du téléphone ou du taxi.
Il est ce qui fait notre faiblesse – la raison pour laquelle nos ennemis savent exactement où frapper, et aussi ce qui fait notre force.
On ne lâche pas. On ne laisse personne derrière.
Je me souviens, qu’avec Antoine, le rédacteur chef de Tenoua, on était hébétés d’avoir atteint les 100 jours.
Ils ont été libérés plus de 600 jours plus tard.
Et depuis, je reste hébétée quand même.
Juste après
Quand je perds ma voix, c’est un autre qui parle pour moi.
Depuis une semaine, j’ai en tête les paroles de cette chanson de Jean‐Jacques Goldman :
Elle a éteint la lumière,
Et puis qu'est-ce qu'elle a bien pu faire,
Juste après
Se balader, prendre l'air
Oublier le sang, l'éther
C'était la nuit ou le jour
Juste après
Deux, trois mots d'une prière
Ou plutôt rien et se taire
Comme un cadeau qu'on savoure
Qu'a-t-elle fait ?
Un alcool, un chocolat,
Elle a bien un truc comme ça
Dans ces cas-là
Le registre, un formulaire
Son quotidien, l'ordinaire
Son univers.
Mon univers vient à nouveau de basculer et je ne sens ni le soulagement, ni la joie. Cela fait trop de temps qu’on était désespérés.
Il faut du temps pour se réhabituer à ce qu’un cauchemar soit fini.
Aujourd’hui, je me sens comme une des petites d’Omri Miran, qui est enfin revenu vers sa femme et ses toutes petites filles, trois et cinq ans, qui, après avoir pleuré pendant deux ans pour leur papa disparu sans qu’elle comprennent, ne voulaient plus s’approcher de lui.
Ce matin on a ouvert à nouveau la Torah, à la veille du shabbat de Bereshit.
Lors de mon cours hebdomadaire sur la parasha, quelques‐uns de mes élèves ont exprimé ne pas encore ressentir joie et soulagement mais avoir beaucoup pleuré cette semaine.
Il faut se délester de l’injonction à la joie à laquelle l’on croit devoir obtempérer. Non seulement car elle pèse, mais surtout parce que si telle attente il y a de nous‐mêmes ou des autres après l’événement de lundi, elle est simplement inadéquate.
La réponse naturelle du système, après tant de pression et d’anxiété, est la décompression. Et la décompression s’exprime souvent comme dépression. On est épuisé, voire triste, sans comprendre pourquoi.
Nous vivons en ce moment, à un niveau collectif, entre joie et soulagement, et dépression post‐partum – et peut‐être que certains d’entre-nous passent plusieurs fois de l’un à l’autre au sein d’une même journée.
Oui je suis hébétée.
C’est ce qui se passe quand on voit des fantômes.
Les fantômes
Les fantômes, ce sont comme les différents niveaux de mondes dans la kabbalah. Il y en a plusieurs univers.
D’abord, il y a nos revenants.
La plupart sont jeunes. Certains étaient soldats. D’autres ont été enlevés chez eux. Certains, comme Alon le pianiste dont on redoutait qu’il ait perdu un œil et dont la mère faisait tous les soirs à 21 heures des méditations guidées sur WhatsApp pour l’entourer de lumière, Rom dont la tête squelettique sur un corps décharné évoquait si péniblement les fantômes des survivants de la Shoah, filmé par ses geôliers en train de pleurer sans défense, ou encore Matan Z., dont la mère était en feu sur les plateaux télé, s’enchaînant devant la Knesset ou mettant le feu aux autoroutes, étaient sur tous les réseaux. D’autres, comme Segev ou Maxim, étaient presque inconnus de la plupart d’entre nous.
Pourtant ils avaient tous quelque chose en commun.
Ce n’était pas leur maigreur famélique, plus ou moins impressionnante.
Ce n’était pas la blancheur de leur peau, spectrale.
La blancheur de quelqu’un qui n’a pas vu le jour pendant deux ans.
Ce n’était pas la faiblesse des corps.
Certes il y avait chez chacun d’entre eux une lenteur dans les mouvements, une hésitation ondulante, comme chez le grand Avinatan, le partenaire de Noa que l’on voyait beau, musclé et à genoux dans la caméra ricanante du Hamas le jour de leur enlèvement au festival Nova et qui, désormais filiforme et maigre comme un grand malade, marche précautionneusement, soutenu par ses parents de chaque côté, dans les couloirs de l’hôpital.
Tout cela était attendu.
Non, ce qui m’a marqué, comme chez Elie, Edan, ou Omer avant eux, c’était l’expression sur le visage.
Il y avait chez chacun d’entre eux une douceur, une douceur incroyable.
Comme si une souffrance si radicale, avait enlevé toutes les couches de l’égo, nettoyé l’âme en profondeur, et ne restait plus que cette grâce : un sourire doux de bonté et de gratitude en même temps, comme si la compassion de Dieu nous regardait à travers chacun de leur visage.
Les vrais fantômes
Dieu pourtant ne fait pas de cadeau.
Car si eux sont revenus, d’autres tant attendus ne le sont pas. Je pense à Bipin Joshi, l’étudiant népalais dont la sœur parlait de son attente avant tant d’espoir, sur la place des otages, il y a à peine plus d’une semaine.
Je pense à Tamir, joueur de basket dans une équipe mixte d’Israéliens et de Palestiniens, qui croyait tant à la coexistence qu’il avait appris l’arabe et faisait tout pour vivre dans un « avec vous ».
Mais Tamir était israélien et, à dix huit ans, il avait dû, comme tout le monde, rejoindre l’armée. Le 7 octobre, il était sur le terrain, ayant accepté de remplacer un copain qui voulait rentrer chez lui pour shabbat.
Tamir au sourire si doux qui me regarde sur sa photo maintenant figée, depuis le ciel.
Il y a tous ceux qui ne sont pas revenus, plus des deux tiers des 28 cadavres encore détenus en otage n’ayant toujours pas été rendus, et ce manquement du Hamas de tenir sa part de l’accord nous fait frémir pour la suite.
Alors je pense à cette petite ado de 14 ans qui parlait sur la place des otages il y a peu, disant qu’elle attend de pouvoir enterrer son père pour pouvoir reprendre sa vie.
Il y a aussi les fantômes de ceux qui sont morts en se battant et dont les familles survivantes regardent les accords infâmes : 20 vivants et 28 morts contre 2000 terroristes qui pourront recommencer demain, avec amertume.
Ma copine Maya a perdu son frère le 7 octobre. Yoni, commandant de tank, avait été envoyé pour défendre la base militaire attaquée. Il avait couvert les autres. Il avait été tué.
Pour Maya, la libération des otages contre un cessez‐le‐feu et la libération de ceux contre qui son frère se battait, peut‐être l’un de ceux qui l’ont tué, n’est pas facile.
D’un côté, elle veut qu’ils reviennent à la maison. D’un autre, cela lui donne l’impression que son frère est mort pour rien.
Kohelet, que l’on a lu juste shabbat dernier, lors de Souccot, écrivait :
עת לבכות ועת לשחק עת ספוד ורקוד
Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ;
Un temps pour se lamenter, et un temps pour danser.
La vérité n’est pas si simple.
Aujourd’hui, pour moi, les deux sont mélangés.
J’ai entendu dire la semaine dernière que Rachel Polin Goldberg avait dit quelque chose de similaire sur cet enseignement du roi Salomon.
Nous vivons irrémédiablement dans une réalité où ces lignes sont floues, ou ces deux tablettes sont à lire ensemble.
On rit et on pleure en même temps, et c’est tout.
Rachel n’a pas récupéré son fils.
Depuis qu’il est mort, elle et son mari ont continué à se battre pour la libération des otages.
Alors peut‐être que pour elle, la libération des captifs de deux ans, ceux qui ont retrouvé les bras de leur mère ou de leur femme, ceux qui sont rentrés avec leurs deux bras, contrairement à son fils qui avait perdu le sien et qui ne rentrera pas, peut‐être qu’elle fait partie de ceux pour qui, lundi dernier, d’une manière différente que pour moi, était à la fois joyeux et triste.
Et encore, elle a pu enterrer le sien.
Aujourd’hui je prie pour ceux dont même le deuil est amputé, dont même l’enterrement est suspendu, pris en otage, pour un temps indéterminé.
C’est cela, le temps des fantômes.